Un soir, chez un couple de joueurs...
Elle : "-Et bien puisque c'est comme ça, ce soir, tu feras canapé !"
Lui : "-Mmm... mais enfin Bibiche, c'est juste un jeu voyons et puis tu as fais une bonne partie... heu... malgré ta dernière place... et puis ce sont eux là qui ont pas arrêté de te coincer des pions d'ordres ! "
Elle : "-Pfff !"
C'est à ce moment que j'ai choisi avec l'autre joueur de prendre congé de nos hôtes, parce qu' être pris dans une scène de ménage provoquée par une séance de Vanuatu, c'est le genre d'expérience que je préfère éviter. En fait, la dernière fois que j'avais vu une fin de partie aussi crispée, ce fut suite à un Cash'n guns au cours duquel un joueur avait participé joyeusement à l'élimination de sa chère et tendre après 3 tours de jeu seulement. On s'était marré, mais pas elle... et lui non plus, après.
Moi : "Heu... bon ben c'était cool hein ? On remet ça quand vous voulez !"
Encore Elle : "-Pfff !"
Cela a souvent été dit, mais je vais le répéter : Vanuatu est un jeu méchant.
Ce qui est étonnant car en apparence, il semble tout a fait innocent avec ces illustrations sympathiques qui donnent envie de prendre des vacances loin, loin, loin... et puis les jeux avec pour théme une île, j'aime ça, comme le redoutable Bora-Bora, le chafouin Maka-Bana, le solide Hawaï, l'oublié Kaivai, l'ardu Conquest of Paradise. En fait, une île, je trouve que c'est apaisant, ça fait rêver...
... mais pas avec Vanuatu. Il faut rester concentrer, ne rien lâcher, bien observer ce que font ou peuvent/veulent faire vos adversaires. En fait, tout le vice de ce jeu est contenu dans son système de sélection puis de résolution d'actions. Vous croyez que vous allez simplement poser des jetons de programmations dans des cases, puis en résoudre un tranquillement à tour de rôle ? Et bien pas du tout !
D'abord, il faut programmer d'une manière cohérente : Par exemple, vous n'avez pas le droit de poser un marqueur sur la case vente de poisson si vous n'en avez pas en stock et/ou que vous n'avez pas prévu préalablement d'en pêcher. Dans l'exécution, il y a ensuite, moyen de faire perdre une action à un joueur (par un système de majorité ou d'ordre de tour), et des actions à chaque tour, on en fait pas beaucoup. Il y a pas mal de petites vilainies possibles, c'est pourquoi je classe Vanuatu parmi mes jeux "Pour fourbes ne craignant pas la vengeance même des années après" ou "Pour joueur qui de toute manière n'a pas/plus d'ami".
Blague à part, Vanuatu est selon moi un jeu très futé, utilisant avec adresse des mécanismes certes connus, mais en y ajoutant le piment qui manque parfois aux jeux qui offrent trop facilement des solutions de rechange à celui qui semble coincer dans une phase de jeu. Il faut vraiment se montrer malin, ne pas hésiter à joindre l'efficacité à la méchanceté (on y revient), mais dites-vous bien que ne pas gêner les autres à Vanuatu, c'est rater quelques chose dans l'esprit du jeu et cela risquerait de vous coûter la victoire.
Vanuatu propose des parties vraiment tendues et pourtant, il est dit dans les règles qui si on veut un jeu plus difficile (sic!), on peut jouer sans les personnages. J'ai joué une fois ainsi, c'est vrai que cela durcit encore plus le jeu mais est-ce vraiment utile ? L'ensemble devient alors plus rigide et un poil moins "ludique" sans les personnages, donc ces derniers restent pour moi indispensables. Question configuration, à cinq joueurs, c'est vraiment rude et c'est pour les bons connaisseurs des pièges du jeu. Quatre joueurs est je pense la configuration optimale et à trois, c'est parfait pour une première partie découverte.
L'auteur (et éditeur) s'est retiré me semble-t-il du milieu ludique pour des raisons diverses... c'est dommage, car Vanuatu était vraiment une réussite.