**Type de jeu :** Un de ces jeux allemands atypiques
**Nombre de parties jouées :** 4
**Avis compendieux :** Certes, ce jeu comporte du hasard, peut-être plus que les colons, avec les cartes rencontre notamment, mais il ne faut pas oublier que c’est un jeu de la série des Colons, avec tout ce que cela comporte. Certes le matériel est clinquant (voire cliquetitant) et ne comporte que peu d’élément en bois (les marqueurs de points), mais pourquoi pas un peu de clinquant de temps en temps ? On a affaire là à un jeu divertissant, vraiment, où de nombreux choix pas forcément évidents sont à faire, où il faut consolider les amitiés contractées avec les peuples aborigènes sous peine de les voir passer à d’autres, coloniser de nouvelles planètes, être le premier à être apte à coloniser les planètes de glace et les repères de pirates, tenter de construire des ports plus avant dans l’espace, tout en customisant le plus possible sa bécane de l’espace. Ca fait pas mal de choses à faire, sachant que les ressources peuvent être rares. Et du coup, on obtient un jeu qui peut être long, surtout à 4 : la variante qui consiste à piocher deux cartes ressource quand on a moins de 7 points est un palliatif aisé à mettre en œuvre et efficace. On peut facilement arriver à 12 points par exemple et y rester bloqué sans arriver à décrocher les 3 points supplémentaires. Mais c’est qu’on aura mal anticipé le déroulement du jeu (je sais, c’est ce que j’ai fait à ma quatrième partie, j’ai caracolé en tête et suis resté comme un emplâtre bloqué à 12 points).
**Clarté des règles (5) :** La traduction des règles données sur le site du club de Moissy-Cramayel est tout à fait satisfaisante, quoique émaillée de quelques fautes, tout comme la traduction des cartes. C’est regrettable, car je comptai sur ce jeu pour jouer avec mes petites nièces et quand même, ça ne se fait pas de faire lire à des enfants un texte comportant des fautes. Ceci étant dit, un niveau moyen en Allemand lié à un apprentissage ancien et laborieux de cette langue permet grosso modo de se tirer honorablement de la lecture des cartes de rencontre, et de renouer agréablement avec cette langue, pour peu qu’on assimile le vocabulaire du genre de « tuyère », « vaisseau », « retourné de fusée »… qu’on avait bien omis de nous enseigner au lycée, en tout cas en ce qui me concerne.
**Qualité du matériel (5) :** J’aime beaucoup les fusées qui font pouêt-pouêt. Oh, je sais, on me dira, « D’abord, c’est même pas vrai, elles font pas pouêt-pouêt, elles font dreling-dreling-gring-gring ». Certes. Mais à y regarder de plus près, en considérant les nombreux attributs qu’on y peut attacher de ci de là, un container, une tuyère, un canon, un point de prestige, je ne vois pas comment on peut nier l’évidence du fait que ces fusées font pouêt-pouêt, tant le caractère superfétatoire des susdits attributs saute aux yeux comme une évidence patente. En outre, et c’est ce qui me ravit le plus, sans doute parce que cela fait émerger mon côté enfantin qui n’en demande pas tant pour ramener sa fraise, à chaque fois que je les agite pour voir de combien elles se déplacent ou pour faire un test de combat ou de vitesse, je ne peux m’empêcher de penser au moyen mnémotechnique qu’un certain professeur de biologie nous inculquait pour nous faire souvenir de la signification de cytoprocte ; comprenne qui pourra (allez, si tant pis, je vous donne ce moyen mnémotechnique, tant pis pour le qu’en dira-t-on : « cytoprocte-crotte-crotte » ; ça vole pas haut, les cours de biologie, hein ?). Laissons-là ces charmantes fusées qui à bien y réfléchir ne ressemblent à rien d’autre qu’à des fusées (si monsieur) et considérons le reste du matériel. Le plateau ne se déplie pas très bien, mais cela arrive souvent. Le seul reproche majeur que je ferai au plateau est d’ordre pratique : il aurait été plus pratique de faire figurer sur les planètes les icônes représentant les denrées produites, la couleur des planètes étant moins pratique pour faire le lien. Les petites figurines représentant les colonies, les ports, les stations commerciales, sont très jolies, d’un emploi très pratique et ne sont pas pour rien dans la présence du thème. Les cartes des denrées sont dans la lignées de celles des Colons, et on peut être rassuré d’apprendre que dans quelques milliers d’années, les hommes et les femmes se lançant à corps perdus (façon de parler espère-t-on pour eux) dans l’espace consommeront toujours du blé. La lecture des jetons comportant les numéros n’est me semble-t-il pas aussi pratique que dans les Colons de base. Je ne saurai dire pourquoi (peut-être justement à cause du fait que la ressource produite ne figure pas par son symbole sur la planète). Et les cartes représentant nos amis les aborigènes du cosmos sont fort sympathiques, tout comme les cartes de rencontre. Ah, dernier détail, les aides de jeu ne sont pas très faciles à détacher et relativement fines, assez bizarrement pour un jeu Cosmos. Bref, le jeu est un peu cher, mais à quelques détails prêts, on en a pour ses sous.
**Reflet du thème (5) :** Osons le 5 pour le reflet du thème dans un jeu allemand. Alors, oui, certes, il n’y a pas de combats spatiaux entre les vaisseaux des joueurs, mais que diable, on peut quand même espérer qu’une humanité assez évoluée pour se promener dans l’espace saura enterrer la hache de guerre, non ? Comment ça, je rêve ? Mais il y a quand même les rencontres de pirates qui nécessitent un important investissement en canons, les rencontres fortuites de commerçants, celle du peuple errant, les vaisseaux en perdition à sauver (c’est fou la densité de population dans le cosmos, quand même, je n’aurai jamais cru ; il y a même des feux rouges qui vous bloquent parfois pour un tour (voire deux si on n’a pas de bol) et on peut même se faire attraper par la maréchaussée volante), sans oublier les sauts dans l’espace. Tout en maintenant un système léger et un jeu fluide, la transposition du système des colons de Catane au thème de la conquête spatiale est donc bien réussie, avec la possibilité d’explorer les planètes, la présence de planètes hostiles, l’introduction du côté « livre dont vous êtes le héros », la présence de peuples aborigènes du cosmos, certes tous moins hostiles les uns que les autres, mais il ne faut pas oublier que les Colons, c’est le jeu pour les bisounours (quoique).
**Avis comportant ratiocinations et autres superfétations :**
Les dés à huit faces de Die Händler von Genua, le fait de « tuer des gens » dans Im Schatten des Kaisers, le côté guerrier assez marqué d’Imperial sont les petits plus qui démarquent ces jeux allemands de la production classique de cette école ludique. Die Sternenfahrer von Catan rejoint ces jeux à petit plus par son matériel riche, essentiellement en plastique, ce qui n’est pas courant dans les jeux allemands, convenons-en (quoique Klaus Teubver semble bien aimer le plastique, on en trouve pas mal dans Richard Cœur de Lion et récemment dans La Conquête de Rome). On n’aime ou l’on n’aime pas le côté kitsch des fusées, largement superfétatoire, mais on ne peut s’empêcher de penser que l’auteur s’est vraiment amusé en élaborant son jeu, voire même, comme diraient la frange la plus jneune de notre population, qu’« il s’est lâché » (ce qui ne signifie pas qu’il a émis des émanations gazeuses malodorantes, non). Bref, en voyant le plateau de Die Sternenfahrer von Catan, les vaisseaux colonies s’y balader, explorer les espaces lointains du cosmos à la recherche des nouvelles planètes à investir et en évitant les pirates qui rôdent çà et là, les vaisseaux de commerce tenter d’établir des liens d’amitié avec des peuples aborigènes, on ne peut s’empêcher de penser (amèrement en ce qui me concerne tant j’ai de mal à y jouer) à Twilight Imperium. De là à dire que Die Sternenfahrer von Catan (on va dire à l’avenir DSvC, hein) sont un ersatz de Twilight Imperium, une version allégée, il y a un pas immense que je ne franchirai naturellement pas. DSvC reste profondément un jeu de la lignée des Colons, dont le thème est l’espace, la science-fiction, traitée de façon assez classique, mais aussi de façon agréablement immersive, comme le décrit fort bien M. Faidutti dans la chronique qu’il a consacrée à ce jeu sur son site. Bref, si vous recherchez un jeu assez léger dont le thème soit la science-fiction, pensez à DSvC.
Ceci étant dit, force est de constater que ce jeu a été assez mal accueilli. Ayant été séduit par icelui dès le premier coup d’œil et dès la première partie, je m’en vais tenter d’analyser les causes de ce dédain dont il a été l’objet (bon, vous me direz, en tenant ce genre de discours, j’ai l’air de vouloir péter plus haut que mon cul ; mais non, je ne pète jamais qu’à environ 92 cm, et un peu moins haut lorsque je suis assis (sauf si je suis assis sur un tabouret haut, m’enfin bon, ne chipotons pas).
Très schématiquement, on peut regrouper les critiques qui lui ont été faites en deux grandes catégories : « C’est un jeu avec trop de hasard » ; « Ce n’est pas un bon jeu de la lignée de Catan, et puis pourquoi pas Catan va à la mer, ou encore Catan et les Schtroumpfs noirs ».
Pour la première. Du hasard, il y en a, certes. Qu’il y en ait trop, cela dépend des sensibilités. Ces poncifs étant assénés, tentons de dire quelque chose d’intéressant, ce qui ne risque pas d’aller sans peine. Au hasard classique des Colons (et gnagnagna, le 5 n’est jamais sorti), va se rajouter celui des rencontres, qui sont là essentiellement pour le lustre, pour le thème, pour la chantilly diraient certains, mais qui influencent indéniablement la partie : si vous donnez peu de ressources à un marchand, selon que vous tombiez sur un grincheux ou un débonnaire, vous allez vous retrouver avec un prestige en moins et un vaisseau saboté ou couvert de cadeaux donnés par pitié ; si vous vous montrez généreux, vous pourrez vous retrouver avec un vaisseau, ou une simple marchandise. Et il en va de même de tous les types de rencontre (peuple errant, pirates). Mais il y a des constantes : par exemple, sur quatre parties, je me suis toujours retrouvé sans point de prestige, c’est quand même un signe, ça, non ? Cela signifie à l’évidence que je ne suis qu’un odieux colon qui se moque pas mal de sa renommée. Enfin, à propos de la contrôlabilité du hasard, des parties très équilibrés avec des marqueurs de points alignés comme des légionnaires romains bombant le torse sur la case 13 montre bien que le hasard est gérable et que les joueurs, en utilisant des tactiques diverses, peuvent tous tirer leur épingle du jeu.
A propos de « Martine et Oui-Oui au pays de Catan » maintenant. Je ne suis pas un grand familier du système Catan et ce n’est pas ce jeu qui m’a conduit au jeu de société, je n’ai donc pas une sensibilité particulière à son égard, ni un attachement particulier. Ma première partie de Catan classique, avec l’extension ville et chevaliers remonte à peu – c’est dire mon inculture en la matière – et j’y ai trouvé un jeu agréable et léger, rien de plus. DSvC est également un jeu agréable et léger, mais un poil plus lourd quand même, ce qui fait qu’à quatre notamment les parties peuvent durer au-delà du raisonnable pour des jeux de ce genre et donc détourner les adeptes du Catan conventionnel qui recherche dans ce jeu des parties rapides. On ne saurait donc trop que conseiller, de ce point de vue, de se limiter à trois joueurs (bien que le syndrome du deux contre un risque de se manifester, étant donné que l’univers comporte grosso modo deux côtés). Sinon, les fondamentaux de Catan sont conservés, avec la production des ressources, le 7 fatidique (bien que j’ai vu peu de personnes devoir se séparer de cartes, tant le flux est tendu), la possibilité d’améliorer ses échanges avec la banque, les pirates (qui ici ne bloquent pas la production d’une ressource mais se rencontrent dans les cartes), les bonus de deux points qui ne sont pas forcément acquis définitivement (ceci soit dit en passant, il est autrement plus intéressant de tenter de conquérir l’amitié d’un peuple que de piocher des cartes noires en espérant avoir la majorité de chevaliers). On retrouve bien ses petits, et la différence provient essentiellement d’ajouts qui servent le thème, ajouts qui, selon moi, sont bien vus et s’adaptent très bien au jeu. Alors pourquoi pas « Catan et le club des cinq » me direz-vous. Et bien, je pense que c’est une excellente idée et qu’il faudrait de ce pas la suggérer à l’auteur.