Quel bonheur que ce festin d'Odin... J'aime beaucoup les jeux d'Uwe Rosenberg. Je les attend avec impatience, je ne résiste jamais au plaisir de les essayer. Mais je ne suis pas pour autant aveuglé par ses propositions ludiques, je trouve son Merkator par exemple tout à fait raté. Ludiquement parlant bien entendu. Ceci dit, je reste très bon public et garde un attachement pour cet auteur.
Alors quid de cette gloire d'Odin? On est ici dans un exercice de style particulier, que j'aime beaucoup, qui est la variante d'une mécanique efficace. J'irai plus loin, je trouve qu'on se retrouve ici dans une magnifique quadrilogie qui se tient parfaitement. Tout commence avec Agricola, qui a d'ailleurs mis Mr Rosenberg sur le devant de la scène. Il a introduit un système de jeu admirable (bon, on est d'accord, il a pas inventé pour autant le système de pose d'ouvrier, mais bon...) qui allie pose d'ouvrier, gestion de denrée, positionnement et gestion du territoire. Le tout dans une ambiance douce et agréable, non agressive, de gestion d'une ferme. Ce qui fait la force et spécificité d'Agricola est probablement la présence de nombreuses cartes permettant de varier les stratégies et les parties, donnant également des parties asymétriques. La possibilité de draft et début de partie, avec toutes les variantes possibles renouvelleront admirablement bien le jeu.
Par la suite, deuxième dans la série, Caverna, ou comme certains l'appellent, Agricola chez les nains. Même fonctionnement global, avec disparition des cartes au profit de tuiles batiments, permettant toute une série d'amélioration, avec un nombre limité ne permettant pas aux joueurs de faire les mêmes choses, on est frappé par un thème toujours présent, un peu plus enthousiasmant (à mon sens) que le thème purement rural de la ferme, on est transporté dans un univers un peut plus H-F, avec des nains, des combats, des aventures,... Grande grande réussite donc pour ce deuxième volet.
Troisième volet de la quadrilogie, Terres d'Arles, un Agricola limité à 2 joueurs. Une nouvelle franche réussite, avec à nouveau une myriade de possibilités, de plaisir, je rejouabilité, toujours dans ce concept de gestion de denrée. Comme toujours, on part d'un même concept, on y modifie certaines choses, avec de mémoire pour Terres d'Arles une gestion du transport de denrées absent dans les autres version, et une spécificité propore à 2 joueurs (ou en solo comme tous les jeux de la quadrilogie), bref, du bonheur. Enfin, le dernier en date de la série, le festin d'Odin. C'est vraiment admirable de parvenir à sortir un 4eme jeu partageant une bonne partie des mécaniques des autres, tout en restant intéressant, original, sans faire doublon avec le reste! J'ai été très impressionné par la capacité du jeu à donner d'autres sensations ludiques. Parce que oui, c'est vraiment très différent d'agricola. C'est du lourd, il faut compter 30 à 40 minutes pour la mise en place, la même chose pour l'explication des règles (ce qui est très raisonable finalement, on est vraiment dans le même degré de complexité en terme de règles que les autres jeux de la "gamme"), puis on est parti pour 3-4 heures de jeux à 3 joueurs. L'auteur propose des parties courtes, peut-être plus propices pour découvrir le jeu, mais plus ardus également (faute de temps et d'action) permettant aux joueurs chevronnés de jouer sous pression!!! Une fois la partie lancée, on ne voit plus le temps passer. Les tours passent vite, on a droit qu'à une action à son tour (pose d'ouvrier classique) et si on peut se sentir perdu par le nombre important de possibilités au début, on voit très vite se dessiner l'une ou l'autre stratégie. Impossible de tout faire, il faudra au moins 3 parties pour tenter différentes possiblités de jeu. Belle rejouabilité en perspective donc! Par ailleurs, le thème est admirablement présent, je ne dirais pas qu'on se retrouve dans l'univers viking, mais on sent la volonté d'associer thème et mécanique, et cela fonctionne très bien. Le matériel est abondant et de bonne facture, il y a un vrai plaisir à manipuler toutes ces pièces. Bel effort par ailleurs dans le packaging, avec des boites fournies pour le rangement des denrées!
Ce jeu est une bombe pour tout joueur qui comme moi est curieux de découvrir des variantes d'un jeu qu'il a beaucoup aimé, afin de voir ce qu'une revisite peut donner. Le résultat est superbe.
Malgré tout, il faut admettre une certaine froideur dans le jeu, à travers une mécanique de remplissage d'espace à la tetris, froideur qui ne m'a pas ailleurs pas du tout dérangé. C'était également une brillante idée de reprendre quelques concepts de son excellent patchwork, et de l'intégrer dans le jeu, c'est ici ce qui fait réellement sa spécificité et sa différence face à Agricola.
Cela reste du jeu pour joueur aguérri, il faut du temps, il faut investir de l'energie pour le sortir, étudier sa règle, et même pour les joueurs expérimentés, il ne sortira probablement pas si facilement, au vu de sa demande en temps et en espace! Mais ce n'est pas bien grave, parce que l'expérience ludique en elle-même est suffisamment intense, que pour procurer une grand satisfaction sur quelques parties à peine. Maintenant les passionnés se feront plaisir et enchaineront les parties, surtout qu'un mode solo existe.
Alors? Un tout grand coup d'éclat pour une magnifique quadrilogie de Mr Rosenberg qui enchaine Agricola, Caverna, Terres d'Arles et ce festin d'Odin de manière absolument remarquable, aucun déchet dans cette série dont chaque jeu apporte son lot de surprises, de plaisir et de spécifité, pas de doublons à mon sens, une réussite absolue.
merlin