Comme souvent avec ce site, les avis se mélangent entre un jeu principal et une de ses variantes (ici Alhambra et la version roll and write). Je précise donc que je parle bien de cette version dés+crayon du classique.
Tout d'abord, ne vous attendez pas à une merveille mitonnée aux petits oignons: Queen Games et Dirk Henn semblent avoir fait le minimum pour capitaliser encore un peu plus sur ce jeu qui doit en être à sa dixième variante, dont certaines assez étranges et passablement inutiles (l'incongru Granada) sans compter le nombre impressionnant d'extensions, également souvent dispensables.
Le lien avec le jeu de base est ténu, surtout visuel, mais le fait de ne plus avoir de phase de paiement en différentes devises en enlève à mon sens toute la sève. On n'a plus l'impression de construire son Alhambra mais d'acheter des maisons d'un quartier déjà existant, dans un roll and write générique très facile à jouer même pas des enfants.
En lançant des dés, on construit (ou achète) tel ou tel type de bâtiments sur une grille en tentant d'en avoir la majorité (soit en atteignant le maximum en cours de partie, soit en ayant une des 3 premières places en fin de partie). On peut aussi remplir des colonnes ou des lignes pour avoir des points. Si les dés nous donnent plusieurs bâtiments déjà construits, on peut décider de faire l'action "pièces", qui rapporte de l'argent. Ce dernier permet soit de changer les résultats des dés (une unité par pièce) soit d'acheter deux bâtiments (utilisant ainsi les 4 dés dont les croisement proposent des emplacements, un peu comme dans Targui). Et.. c'est tout!
Les critiques sur ce jeu sont souvent assassines, et je m'apprêtais à bien m'ennuyer, eh bien... pas du tout! Le fait de passer les dés qu'on n'a pas utilisé au joueur suivant sans en changer la face ne sert pas à grand chose mais c'est assez sympa. Bizarrement, on se plaît vraiment à remplir ce tableau de majorités commun avec sa grille de bâtiments, il y a vraiment un feeling de classique jeu de majorité allemande des années 2000 vraiment agréable et tranquille.
Tout cela est tellement simple que ça se transforme vite en une série d'enjeux psychologiques assez intéractifs: doit-on s'épuiser dans une guerre inutile pour un bâtiment très disputé ou partir sur un autre dont la première place en fin de partie nous rapportera plus, sans avoir construit autant? Doit-on égaliser le premier d'un type de bâtiment et laisser la seconde place rapporter d'avantage au 3ème, qui lui ne devra pas partager les points? Doit-on se concentrer sur les lignes bonus, ou bien peut-être faire beaucoup de pièces pour réussir ses derniers tours? Le temps de jeu est parfaitement bien étudié, car la partie se termine à chaque fois au moment où on a eu le temps de répondre à toutes ces questions, donc avant que ça s'éternise. Je lui trouve même un point de règles supérieur à son grand frère, même s'il est difficilement comparable: le fait de scorer soit lorsque qu'on atteint le maximum soit à la fin de partie donne une souplesse appréciable, que les cartes de décompte disséminées dans le deck d'Alhambra n'offraient pas. Enfin, j'ajouterai que le fait de gagner beaucoup plus de pièces (donc de choix d'emplacements et de coups fumants) vers le dernier tiers de la partie offre une accélération intéressante, complètement incompatible avec l'ennui abyssal dont parlent la plupart des avis.
Toutes ces sensations basiques du jeu de majorité à l'ancienne, on les retrouve dans ce petit jeu de pique-nique, bien mieux que dans la plupart des mini euros games, souvent poussifs, laissant une sensation d'inachevé.
Au final, le manque d'ambition de ce roll and write basique lui réussit parfaitement: on passe un excellent moment avec des joueurs de tous âges. Si on le compare avec n'importe quel autre roll and write pas trop pourri, il semble terriblement limité, mais ce n'est pas très juste car ses qualités résident justement dans ses limites!