Je ne comprends pas du tout les critiques qui taxent Kontor (ou Amsterdam) d'ennuyeux, à part bien sûr qu'il fait très "vieux", en particulier dans la rédaction des règles, et il date effectivement de 1999, c'est à dire avant les deux autres jeux qu'il m'a rappelé et que je cite juste après. En effet, on construit peu à peu un carré ,comme dans Kingdomino, mais sur un territoire commun d'affrontements majoritaires, comme dans Carcassonne. On choisit d'abord une carte de sa main de 5, le plus grand chiffre joue en premier et certaines cartes obligent l'autre à payer. Les cartes des deux joueurs peuvent se juxtaposer pour former des zones portuaires à partir desquels on déterminera des majorités sur les marchandises produites par chacun (rendues très visibles par de petits entrepôts qu'on centralise sa la première carte posée). Le principe de majorités est simple à gérer et néanmoins original et équilibré: le plus grand différentiel sur n'importe quel produit gagne, ce qui rapporte 1 point de victoire et permet la pose d'un gardien, puis à la fin on regarde qui a les plus grands territoires gardés, ce qui rapporte encore des points. Si l'on ne trouve rien d'intéressant à jouer ou que l'on a besoin d'argent, on peut ne pas jouer et gagner un florin, ou jouer un canal et gagner la même somme (pour service public, un peu comme jouer les dés dans Camel Up). On reprend toujours de quoi compléter une main identique en canaux et quais à la fin du tour (l'équilibre, toujours l'équilibre). Le pion bateau et la carte grue, ainsi que des cartes canaux optionnelles permettent des retournements de situations intéressants et une plus grande durée de vie du jeu. Un détail amusant qui révèle la grande liberté de ce jeu, c'est que l'on n'est même pas obligé de s'affronter systématiquement: on peut aussi créer certaines zones complètement indépendantes en essayant de former de grandes zones pour être dans le top 5 à la fin, mais attention alors à ne pas se faire piquer sa zone par un changement de stratégie du joueur adverse. Et puis il y a la possibilité de changer le plan des canaux, notamment en suivant les variantes proposées à la fin de la notice.
Evidemment, avec cette grande liberté de pause et les différentiels des 3 marchandises à prendre en compte pour déterminer une seule victoire par territoire, ce jeu ne pourrait pas bien fonctionner à plus de 2 joueurs, même avec des jeux de cartes supplémentaires: on se retrouverait dans un chaos total jouable uniquement par des génies des maths. Cette complexité apparente ne doit pas vous effrayer car elle vous fait sortir du train-train de comptage mécanique propre aux deux classiques précités, on est vraiment dans du jeu créatif un peu fou à la Colovini.
Et la règle, très pointilleuse et old school, peut en effet donner une fort désagréable sensation de complexité arbitraire, mais ce serait facile de la reformuler clairement sur une seule feuille, en allant à l'essentiel comme le font les jeux modernes (alors que là tout ce que l'on peut faire ou pas est inutilement spécifié dans de longs paragraphes poussifs).
Le point positif de ces critiques négatives à mon avis injustifiées, c'est que sans doute grâce à elles on trouve ce très beau jeu pour littéralement une poignée d'euros. Il faudrait un jour faire un post "expérience de ludothèque à 30 euros maximum": j'ai ainsi aquis Intrigue à Venise (2), Le Tapis Volant (2,5), Amsterdam (2), Maharadja (4), Palazzo (2), Top Race (3), Grand Safari (3), Hermagor (3), Leonardo da vinci (2), Torres (5), Bonhanza (2). De quoi faire avec ces jeux magnifiques un peu (ou parfois complètement) oubliés, tout cela pour à peine le prix d'un jeu neuf.