Loyang est un jeu d'échanges de ressources sans ouvriers, mais qui ne fait pas du tout penser à Goa ou à d'autres jeux de Rudiger Dorn, grand spécialiste du genre. Ce n'est pas non plus un jeu scripté comme Agricola du même Uwe Rosenberg: il y a une grande liberté d'actions à chaque tour mais aussi une certaine répétitivité qui peut rebuter. La seule progression est due à l'ajout de champs (on a de plus en plus de ressources) et de nouvelles cartes, mais en gros on fait la même chose du début à la fin. Le draft puis les échanges sont très particuliers, ce qui fait qu'il ne ressemble finalement à aucun autre jeu. C'est très, très astucieux, et peut-être trop pour ceux qui veulent avant tout s'amuser! Un autre détail original est l'achat de points de victoire avec des pièces à la fin de chaque tour. Je peux faire un lien avec d'autres jeux plus légers de Rosenberg comme Bonhanza ou Babel, mais pas vraiment avec ses autres jeux agricoles qui semblent beaucoup plus influencés par Caylus et ses ouvriers.
A chaque tour, vous faites ce que vous pouvez parmi de très nombreuses combinaisons possibles et dans l'ordre que vous le souhaitez. Il faudra donc veiller à ne pas rester calculer vos coups possibles trop longtemps, le mieux étant sans doute de partir dans une direction et de s'y tenir, d’autant qu'on peut largement prévoir ses coups pendant que le tour de l'autre joueur.
Car oui, je ne parle que d'un autre joueur... Loyang est à mon avis principalement un jeu à deux, car à trois il est trop long et à quatre un peu tordu, avec une règle alambiquée et arbitraire (jeu simultané pour éviter la longueur). On a énormément de chances de se tromper (c'est à dire de tricher involontairement) quand on applique cette règle de jeu simultané. En effet, à moins d'être un génie des jeux ou d'avoir fait 20 parties, Loyang est typiquement un jeu où vous êtes obligé de commenter toutes vos actions aux autres joueurs pour éviter les erreurs, en particulier avec les cartes de clients réguliers insatisfaits!
Peut-être qu'à l'instar de Babel du même auteur (ils ont en commun les actions illimitées et le choix de leur enchaînement), Loyang ne devrait se jouer qu'à deux. Il paraît que le mode solo est excellent aussi, je ne l'ai pas essayé mais j'imagine que cela doit bien fonctionner puisque le draft reste à la fois stratégique et aléatoire.
Finalement, je pense qu'il s'agit d'un jeu pour esthètes du game design: il a un côté austère qui ferait passer Agricola ou Hallertau pour des party games déjantés, mais ses mécaniques uniques lui confèrent un charme et une indéniable légitimité dans une collection exigeante. Et puis, détail plus pragmatique, ses couleurs méga flashy rendent vraiment bien sur une table, ça change du maronnasse ou du verdâtre habituel à ce genre allemand froid.