Beez avait presque tout pour faire un énorme carton ludique: matos super beau (un des plus beaux jeux que j'ai pu voir, sans aucune faute de goût, luxueux sans faire kitsch), concept attrayant, règles de mouvement/récolte ultra simples mais ouvrant sur de la profondeur... Finalement il perd sur la dernière ligne droite, celui d'un scoring arbitraire et finalement assez complexe et frustrant: vous devez placer vos pollens gagnés à certains endroits selon la longueur des déplacements qui les ont obtenus. Cette règle est totalement arbitraire, ça sent à plein nez la complication ajoutée pour que ça ne soit pas trop facile ou lié à la chance. Genre, tu as calculé d'arriver sur le bleu avec un 3, c'est donc pas par hasard que tu peux compléter la figure à dessiner sur ta ruche... Mouaif...
Une partie de Beez commence dans la franche bonne humeur devant ces couleurs chamarrées, on lance ses abeilles un peu au hasard, on pige les coups à programmer, on a des sensations ludiques inédites lorsqu'on prévoit le changement d'axe de ses abeilles pour deux coups futurs: ceux qui ont du mal avec la droite et la gauche vont avoir des vertiges assez drôles! Ces programmations des abeilles constituent clairement le point fort du jeu, elles me rappent un peu Mississipi Queen en mieux (le charbon qui s'épuise c'était quand même pas super agréable).
La tablée devient ainsi de moins en moins bruyante et animée... On rentre progressivement on rentre en mode hard fun en se demandant par exemple "comment je peux avoir ce bleu en faisant 3?". Ok, c'est un jeu cérébral, mais pour l'instant ça va, car il y a encore pas mal de possibilités (place sur la ruche, pollens encore nombreux).
Puis tout devient beaucoup plus agressif, on dirait que les abeilles se rappellent qu'elles peuvent piquer (et se piquer du pollen): voici la phase bad vibes, avec des répliques comme "et merde j'y étais presque, tout ça pour rien je suis dèg, c'est un peu vénèr vot' jeu quand même." Je me demande comment ce Dan Halstad a pu se tirer une balle dans le pied aussi évidente, surtout à l'heure des jeux "candy crush" de récompense permanente, où on n'échoue jamais et où le "meilleur gagnant" remporte la partie. Là c'est carrément l'extrême inverse.
Verdict: ces contraintes de remplissage de ruche font passer Beez d'immense hit potentiel à OFNI ludique qui ne satisfera sans doute aucun public en particulier, mais qui demeure intéressant.
En ce sens, il est le parfait jumeau (thématique également) de MARIPOSAS.
Et au final, ces deux-là sont quand même deux très bons jeux qui sont surtout incroyablement beaux, donc on ne peut que se réjouir qu'ils existent.