Black Angel est un eurogame, enfanté par les mêmes auteurs qui ont créé Troyes dix ans auparavant.
Tout comme son grand frère, Black Angel a un plumage clivant. Son rose violacé éclatant dans le noir de l'espace ne laisse pas indifférent, et pour ma part, j'ai tout de suite adoré les visuels, et je n'ai pas été déçue en découvrant le jeu en vrai, avec ma boîte.
Le jeu vous propose d'incarner une IA (intelligence artificielle) au service d'une humanité disparue : il s'agit d'emmener ce qui reste de notre espèce vers une nouvelle planète habitable, non encore découverte. Pour sauvegarder cela, il faudra résister aux Ravageurs, réparer les dégâts qu'ils feront au Black Angel, communiquer avec trois espèces aliènes qui accepteront de faire du commerce ou simplement d'aider ces nouveaux venus, car ceci sera en défaveur des Ravageurs que ces espèces n'aiment pas, et surtout, finir par trouver une planète habitable.
L'IA qui aura été la plus efficace aura le privilège merveilleux de diriger le nouveau départ de l'humanité.
Oui, le pitch, l'accroche, si vous préférez, ou la présentation du jeu, pourrait vous faire croire à un parfum d'eurotrash, mais que nenni, Balck Angel est bien un eurogame, comme son grand frère.
Il vous faudra gérer un pool de robots que vous débloquerez de votre stock vers la salle de repos (votre réserve disponible et accessible) d'où ils seront distribués vers les salles d'affectation (où chaque robot vous permet de lancer un dé), les petits vaisseaux individuels qui sortent du Black Angel pour explorer les alentours à la recherche d'accortes aliènes (en évitant les Ravageurs, ou en les excitant un peu pour embêter les autres IA ou dans le but de récupérer des débris), et les missions (ben oui, on laisse un robot sur place avec les aliens, c'est plus pratique pour négocier des contrats).
En plus de cela, vous pourrez débloquer et exploiter certaines technologies pour aider dans votre quête et vos relations avec les espèces aliènes, ou encore pour améliorer vos résultats finaux. (Là on sent bien l'eurogame, non ?)
Suite aux destructions des Ravageurs, nos IA pourront d'ailleurs récupérer les débris du Black Angel pour les réinjecter dans la bonne marche du vaisseau grâce aux diverses technologies.
Mais les espèce aliènes aussi vont vous aider à activer ces technos et, encore plus efficace, le spectre planant des Ravageurs va vous donner des ailes pour les activer.
Les relations avec les aliens ne sont jamais à négliger, d'autant qu'elles vous permettront de valoriser plus encore vos technologies de... valorisation. Eh oui !
Pendant ce temps, le Black Angel avance dans l'espace, espérant atteindre un jour sa destinée : la planète Spes.
Oui, ça en fait une sacrée histoire pour un eurogame.
Moi, comme j'ai l'imagination galopante, ça me suffit pour me faire un film quand j'y joue. Mais le contexte associé aux mécanismes de Troyes me suffisent aussi pour me faire un film quand j'y joue.
En termes de mécanique, Black Angel vous propose comme son grand frère Troyes de lancer des dés. Et éventuellement de les utiliser ou d'acheter ceux des autres joueurs pour les utiliser. Mais après, ça n'a plus rien à voir.
Dans Black Angel, à chaque tour, vous devrez opter pour la réalisation d'une séquence A ou B, la première permettant de réaliser une action parmi 6 (chaque couleur de dé vous permettant de choisir entre 2) ou d'activer une mission existante, la deuxième vous permettant de renouveler vos dés et de faire avancer le Black Angel.
Ici il faudra donc gérer son pool de dés, son pool de robots, choisir quelles cartes missions et technologies pourront vous aider efficacement, et, surtout, quand faire avancer le Black Angel. Ou quand ne pas le faire.
Car Black Angel, c'est aussi et surtout un jeu où le tempo est primordial : l'avancée du vaisseau va, à l'instar de ce qui se passe dans Solenia, permettre d'éjecter des cartes mission qui ont été jouées sur le plateau espace. Ces cartes mission sont de deux types : des cartes à pouvoir d'éjection, qui rapporteront des ressources aux robots qui les occupent, et des cartes à pouvoir d'activation, qui seront perdues sans valeur ajoutée lors de leur éjection.
Cela nous arrangera donc plus ou moins de faire avancer le Black Angel, mais ces cartes mission, on ne les pose pas au hasard dans l'espace, donc il faut bien peser l'endroit où on va rencontrer les aliens afin de contrôler un peu la destinée qui attend ces échanges.
Il faudra donc aussi surveiller le stock de dés. Le stock, oui, car il est finalement assez global. S'il faut bien acheter tout dé venant d'un autre joueur, tous les dés ont un coût unique d'un diamant, pas si cher si on a bien géré ses pierres précieuses, celles-là mêmes qui nous permettent aussi de réserver un dé pour le mettre à l'abri des autres joueurs. L'intérêt d'acheter des dés aux autres joueurs ne réside pas seulement dans le fait de les frustrer en leur prenant leurs 3, mais aussi et surtout dans le contrôle du rythme des séquences : si je n'ai plus de dé mais que je ne veux pas encore faire avancer le Black Angel, j'en achète un.
Il faut donc bien gérer les diamants.
Ces diamants, on les recevra de la part des autres joueurs lorsqu'ils nous achètent notre dé qui affiche un beau 3, mais aussi lors des négociations avec les aliens ou grâce à nos technologies.
Il faut donc bien gérer aussi les débris qu'on récupère et les cartes mission qu'on a en main.
Et c'est comme ça qu'on jongle entre ce qui se passe entre les robots des différentes IA au sein du Black Angel, ce qui se passe dans l'espace dans les échanges avec les aliens, ce qui se passe au niveau de nos technologies.
Tout est interconnecté : les trois lieux de jeu, les différentes ressources, les échanges aves les trois espèces aliènes, l'avancée du vaisseau dans l'espace.
Il nous faudra même contrôler la fin du voyage en modulant le tempo entre agressivité des Ravageurs et avancée vers la planète Spes, car si le Black Angel est trop abîmé, les ressources accumulées ne serviront plus à rien, le sort de l'humanité dépendra alors du secours apporté par les aliens.
Mais ceci est une autre histoire...
Bref, Black Angel est un jeu de gestion, de programmation, de contrôle du tempo, avec de l'interaction directe légère (l'achat des dés) et indirecte (l'utilisation des missions, l'action des Ravageurs), et pas mal de paramètres, mais pas trop non plus, le truc étant que tout est imbriqué et interdépendant.
Plus que de décider d'une stratégie et de calculer sobrement comment la réaliser, il s'agira de se donner une ligne directrice qu'il faudra savoir faire évoluer en fonction des données changeantes et des aventures que nous vivons dans l'espaaâaaace.
Voilà, pour moi, c'est un jeu qui se mérite.