Je t’écris du Maharashtra, Inde.
Nouveau pays, nouvelles têtes, nouveau boulot.
Je fais le chauffeur-livreur pour un grossiste en tissus. Je conduis un magnifique camion Tata tout rose, tu verrais ça ! Une espèce d’énorme pachyderme couleur bonbon. Le genre de truc que tu ne vois qu’ici. Enorme !
Bon, honnêtement ce n’est pas le job le plus difficile que j’ai eu ces derniers temps, mais ce n’est pas de tout repos non plus.
D’abord la concurrence est rude. Là bas, l’offre et la demande change constamment et il faut être à l’affut de toute les opportunités. Heureusement on est renseigné en temps réel de l’évolution des marchés dans chaque ville, mais bon, ça arrive quand même de se faire piquer une commande importante pas un concurrent plus rapide, c’est rageant. Du coup une fois que tu es sur place, tu n’as plus qu’à solder ta camelote. Ça fait au moins le bonheur d’un client. Papa dirait que c’est primordial dans ce métier, chouchouter ses clients.
Et puis on passe énormément de temps sur les routes, surtout que les sites de productions et les lieux de livraison, c’est pas la porte à coté. C’est clair que c’est fatiguant, surtout lorsqu’on se fait taxer par la mafia locale à tous les carrefours. T’inquiètes pas, ils ne sont pas dangereux. En fait cette soit disant mafia est financée par ces mêmes sociétés qui font le transport dans la région. Disons que ça permet de ponctionner la concurrence. Et comme il n’y a pas beaucoup de route par ici, un bon emplacement (placement ?) peut devenir vite lucratif. Bref, pas très légal tout ça mais communément admis.
Et puis la route ici c’est rigolo, tu trouves de tout, pourvu que tu prennes un peu le temps de t’arrêter. Rien que sur la dernière semaine j’ai ramassé une autostoppeuse en rade (une cliente en plus, je te dis pas comme elle était contente de me voir arrivé), j’ai vendu un vieux stocke de tissu invendable dans un petit bled pour deux fois le prix que j’aurais obtenu en ville, et j’ai récupéré un chargement soit disant « tombé d’un camion » qui m’a permis de faire un gros bénéfice quelques km plus loin.
Non, ce qui est vraiment fatiguant c’est cette notion de « visibilité » qu’ils ont tous à la bouche. Il faut être présent partout (sous-entendus dans les grandes villes). Je ne sais pas si c’est parce qu’ils touchent une subvention de la région, des pots-de-vin des autorités locales, pour emmerder la concurrence ou plus simplement pour que le client potentiel sache qu’on existe, toujours est-il que qui c’est qui ce tape les bornes, de jour comme de nuit, au cerceau du bahut ? C’est bibi !
Allez, j’y retourne, j’ai un chargement qui doit arriver à Mumbaï avant la nuit.
Ton glaude qui t’aime.
Ps : La photo, c’est Djayssen, un concurrent. Vise un peu le véhicule ! Les mecs ils n’ont peur de rien.