Call to Adventure est un jeu de combinaisons et de collection relativement abstrait, pas une grande aventure narrative, qu’il simule joliment plutôt qu’il ne prétend la faire vivre. À la manière d’un Roll Player, on y est encouragé à faire les choix rapportant le plus de points tout en s’amusant de la manière dont cela peut se traduire thématiquement. Imaginez-vous enfant trouvé de noble lignée, vous enrôlant dans l’armée royale, vous enfonçant toujours davantage dans l’obscurité et la vengeance, pourtant choisi par la Lumière et héritant du trône… Et ce n’est encore qu’un aperçu particulièrement cohérent des possibilités offertes, auxquelles vous ne prêterez généralement attention qu’à la toute fin, vous focalisant en cours de partie sur les symboles et les chiffres.
Si cela vous paraît un peu dommage de choisir des cartes pour ce qu’elles offrent plutôt que pour ce qu’elles signifient, au moins ont-elles le mérite de bâtir en fin de compte un semblant d’histoire. À partir du moment où l’on sait à quoi on joue et où l’on ne place pas d’attentes démesurées et déplacées dans son potentiel narratif, on peut enfin en apprécier sincèrement les petites touches thématiques, la cohérence qu’il y a à développer certaines capacités pour surmonter des épreuves les requérant, ou à se spécialiser dans certaines voies plutôt qu’à se généraliser au détriment du sens et des points, la division assez méta de notre histoire en trois actes, une échelle morale où il est toujours possible de remonter ou de redescendre tout en étant récompensé par l’optimisation d’un sentier plutôt qu’un autre…
La variété des histoires possibles se traduit dans une impeccable rejouabilité, la plupart des cartes ne sortant pas à chaque partie, et l’ordre dans lequel elles apparaissent, ainsi que le tirage des trois cartes Personnage de départ définissant d’emblée nos orientations, renouvellent même l’intérêt d’une même carte selon le moment ou la partie où elle sort. En outre, Call to Adventure propose une variante coopérative/solitaire bien plus solide que ce que l’intitulé de « variante » et la concision des règles à son sujet peuvent laisser supposer. Notamment parce que le manque d’interaction du mode compétitif (surtout à 3 et plus) n’a bien entendu plus d’importance quand on le pratique seul, ou ne produit plus aucune frustration à plusieurs joueurs puisque l’on converge vers le même objectif et qu’on le compense par la communication.
Loin du Gloomhaven ou du Roll Player Adventures auquel son principe pourrait faire croire, Call to Adventure est un jeu misant sur la rapidité de ses parties, une certaine légèreté mécanique soupoudrée d’un hasard que l’on peut tâcher de contrôler et dont on appréciera la manifestation par un original et moins arbitraire lancer de runes, et sur le soin apporté à son matériel et à ses illustrations pour susciter notre admiration et stimuler notre imagination.
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