Cartographers a beau être rattaché à la série Roll Player il s'agit là d'un argument purement marketing, le jeu n'ayant pas grand chose à voir en dehors peut-être du format (jeu d'opportunité, durée et complexité comparables).
Ce qui ne l'empêche pas d'être un très bon jeu, sans doute meilleur en fait, car si l'opportunité reste importante elle l'est beaucoup moins (les joueurs ne sont pas en compétition pour les ressources) et il est indispensable de planifier son jeu (on connait les critères de score à la fin de chaque manche dès la mise en place du jeu).
L'excellent Saint Malo n'en finit pas de faire des petits et - de mon expérience personnelle - je tiens là le rejeton prodige. Le principe est le même : chaque joueur va griffonner sur sa feuille personnelle des formes semblables à des tétrominos, de couleurs variées (qui correspondent à des types de terrain dans le thème de jeu). A la fin de chaque manche on score selon la composition de sa feuille (selon des conditions de couleur, d'étendue, de proximité, etc).
Là où le jeu fait fort c'est dans la manière dont il articule ce principe de base :
- tous les joueurs jouent avec la même donne : on révèle une carte qui propose une ou plusieurs formes, d'une ou plusieurs couleurs et, parfois, une contrainte de pose (il faut recouvrir une ruine prédessinée sur la feuille vierge). Chaque joueur remplit simultanément sa feuille avec un élément de son choix parmi ceux proposés par cette carte.
- mais pour éviter une planification trop paisible certaines cartes (les embuscades dont un exemplaire est ajouté au paquet à chaque manche) permettent de dessiner des monstres sur la feuille de son voisin ! C'est déjà particulièrement jouissif de pourrir la cartographie de ses adversaires (qui ne se privent pas de faire de même en retour) mais c'est en plus très bien prévu : les monstres infligent un point de pénalité à la phase de score pour chaque case restée vierge à côté d'eux. Donc il faut choisir entre placer ceux-ci à côté des formes déjà tracées pour perturber le plan adverse ou isolément pour infliger des pénalités et contraindre le joueur concerné à colmater les trous autour.
- enfin le système de score, emprunté à l'excellent Isle of Skye (Cartographers sait décidément où trouver inspiration) : la partie se joue avec quatre conditions connues dès le départ : A, B, C et D. A la fin de la première phase on score A et B, puis B et C à la fin de la seconde jusqu'à D et A pour la dernière. Donc chaque condition sera vérifiée deux fois à des moments distincts. Il faut donc anticiper ce glissement.
Je suis passé sur certains subtilités mais on aura saisi l'idée. Bref Cartographers est en ce qui me concerne une excellente surprise. Mon principal petit reproche (possiblement infondé n'ayant pas assez de parties au compteur pour disposer d'un recul suffisant) tient au faible nombre de cartes de chaque type, même si le déroulement du jeu le rend assez variable. Je crains un manque de renouvellement. Je souligne enfin que l'expérience solo est plus intéressante que la moyenne du fait de l'aspect planification. Cela reste un système à score (moins intéressant qu'un objectif à réussir ou une expérience narrative) mais qui commence à offrir un petit aspect puzzle pas déplaisant.