Etrange que ce jeu n'ai pas eu plus d’audience et de succès. Paraît-il trop simpliste et pas assez immersif pour un ameritrasher, trop fantasy pour les eurogamer et fans de jeux abstraits, trop lourd pour un apéro-ludicien ? Je me l’étais procuré lors du destockage Edge de début 2017 avec moi-même quelques hésitations face au design JdR old school. Et là, surprise, je constate qu’il arrive à réunir tous les publics autour de la table :
- Simplicité des règles et rapidité des actions : les explications et la mise en place sont réduites par rapport au contenu de la boîte. La mécanique générale s’assimile en 2 tours et se montre bien huilée (quelques micro-hésitations sur de rares situations très spécifiques mais rien de bien méchant). Résultat : le jeu va vite (même à 4) et s’appréhende bien. Du coup, ça plait rapidement à toute la famille et aux amis, les petits comme les grands, les allergiques à la fantasy, voire les ludophobes récalcitrants.
- Thème medfan tout de même assez immersif pour un jeu quasi-apéro avec un joli plateau bien grand et plein d’aventuriers et de monstres à déplacer. Résultat : les dungeon crawlers y trouveront quand même aussi leur compte.
- Une certaine abstraction de la violence, déjà assez rare (ne m’avait pas sauté aux yeux mais relevé 2x dans mon entourage comme un point positif essentiel) : les monstres repoussent les figurines ou les expulsent automatiquement pour qu’elles reviennent dans la réserve de leur propriétaire (même si, de fait, les figurines ne pourront plus retourner sur le plateau), sans véritable sentiment de combat ou d’agression. Résultat : les ceusses qui n’aiment pas les wargames et autres jeux d’affrontement (« si, tu sais là : tes trucs de guéguerre où l’on passe des heures à tuer des bonhommes hideux et que c’est mal »), pourront donc apprécier.
- Règles assez malines qui forcent à l’adaptabilité et à un panachage de styles de jeu entre le pur agressif et le stratégique non-violent : à chacun de décider de ses stratégies à moyen terme, d’enclencher ses combos au meilleur moment tout en les adaptant à l’évolution de la partie. Tout est possible et personne ne s’ennuie : un joueur ne se trouvera pas ou peu limité ou bloqué par une situation de jeu ou par ses adversaires car il y a toujours des alternatives. La contrainte se trouve au contraire dans la seule limitation du nombre d’actions possibles par tour. A cela s'ajoute le fait d’avoir à jongler entre ses aventuriers et ses monstres (concept déjà assez fun en soi, selon moi) et l’éventail des possibles s’élargit d’autant. Ce qui amène de la bonne frustration. Vais-je épuiser tous mes déplacements à dominer ou éradiquer une zone réduite pendant que mes adversaires s’épanouiront tranquillement ailleurs ?
- Variabilité entre les parties : même si le système et le plateau restent identiques, chaque partie est différente. Le jeu passe de réellement stratégique à 2 joueurs à beaucoup plus bordélique avec option fun à 4 joueurs. Il y en a donc pour tous les goûts.
On pourra reprocher la lisibilité réduite du terrain (sombre pour l'ambiance) et des figurines (beaucoup étant assez similaires) : on s'y fait vite, mais ça reste gênant pour un jeu de placement (surtout à 4 joueurs, où le plateau devient saturé de bouts de plastiques).
Bref, un Eurogame presque abstrait, simple et intelligent du style majorité/placement, le tout dans une carrosserie medfan qui n’est pas juste calquée. Et, étonnamment, le cocktail fonctionne terriblement bien auprès de toutes les personnes avec qui je l'ai testé.