Si je devais définir Corunea en un seul mot, ce serait : incohérent.
1/ Le jeu ne permet pas un grand éventail d'action comme dans un vrai jeu de rôle, et pourtant il nécessite un pavé de règle digne des manuels de maître de jeu, que chaque joueur devra connaître par coeur.
2/ Les combats, la phase principale du jeu, ne sont pas du tout subtils, mais chaque coup passe par un mécanisme extrêmement complexe de lancers de dés à répétition. En général, un assaut chacun suffit pour dégoutter les deux joueurs de poursuivre le combat. D'où le paradoxe : un système de combat qui donne envie de ne jamais combattre dans un jeu où on ne peut faire que combattre, c'est quand même un comble.
3/ Le jeu de carte à collectionner, sans le côté "collection", c'est aussi très paradoxal, quoi que plutôt noble de la part de l'éditeur. Aucune carte n'est rare, et c'est très bien. Mais alors pourquoi avoir disséminé les cartes dans de multiples "boosters" sous blister ? Pour qu'on puisse quand même en avoir plein en double ? D'un autre côté, j'ai acheté plein de boosters, et je n'en ai pas ouvert un seul tellement le jeu est pauvre.
4/ Il s'agirait d'un jeu de cartes, seulement les cartes sont pour la plupart de simples indicateurs. J'ai une hache, voilà, très bien. Tiens, et je pose aussi un bouclier. Voilà voilà... Pire, la majorité de vos cartes posées sur la table seront posées face cachée pour compter vos points. En fait, c'est un jeu de rôle sans le côté "rôle" ou un jeu de cartes sans le côté "cartes", à vous de voir. De toutes façons, le terme "jeu" est déjà lui-même légèrement exagéré.
5/ Le deck building n'existe pas dans ce jeu, on devrait plutôt parler d'un deck "sorting" puisque le principe est uniquement de trier les cartes que votre personnage pourra utiliser ou pas. Ca oui, je prend, ça non, je met de côté, ça non plus, ah ça oui je prend, etc... Sur tout votre paquet de cartes. Pire encore, il y a un nombre minimum de cartes requises pour constituer votre deck, vous forçant donc à prendre dans celui-ci des cartes que vous ne pourrez pas jouer. Ha ha, bien fait pour vous.
6/ Tout se joue avec des cartes. C'est un peu le côté pratique du jeu. Mais oh, pas de chance, il faut 2d6 chacun. Bon, ça va encore, j'en ai plein des comme ça. Ah mince, il faut aussi 4d10. Bon ben tant pis, on va jouer en ouvrant des pages des règles au hasard. Oh et puis non, on va pas jouer du tout finalement.
7/ Un système d'allégeance à tel ou tel camp, par rapport au background général, a été mis au point. Ainsi, deux personnages de camps alliés ne peuvent pas s'affronter (et pourquoi pas en fait ?). Seulement ça n'a strictement aucune influence sur le jeu. De même que le type de personnage, qui se résume à "magie ou pas magie". On aurait aussi pu dire "portée ou pas portée" si les armes à portée n'étaient pas impossible à jouer (j'avance, tu recules, j'avance, tu recules, etc...), sauf dans les rares cas où deux joueurs ont pris une arme à portée identique. Et encore dans ce cas, ça ne fait que reporter le problème sur le système de combat à portée, qui est très similaire à celui du corps à corps, et se révèle donc très pénible, tout en n'étant pas exactement identique, vous forçant ainsi à vous référer de nouveau au pavé de règles. Les douze travaux d'Astérix, vous connaissez ? Bon courage.
8/ La préparation du jeu serait plus longue encore que le jeu si la pénibilité de ce dernier ne le rendait interminable - voire minable tout court. Un duel peut facilement durer une heure, durant laquelle vous aurez mis cinq coups. C'est très éprouvant, mine de rien. Je conseille personnellement de faire autre chose à côté. Boire par exemple, pour oublier. Et puis avec un peu de chance, ça vous permettra de vous amuser, sait-on jamais.
9/ La pioche est, comme toute pioche, une manière de récupérer des cartes de manière aléatoire. Oui. Sauf que pour piocher il faut consommer une action. Et comme vu précédemment en 5, on a dans notre deck des cartes qu'on ne peut pas jouer. Or, si on gaspille une action pour piocher, c'est qu'on a désespérément besoin d'une carte utile, sinon on ferait autre chose de son action. Ce qui nous mène au corollaire suivant : celui qui pioche en premier est celui qui va perdre la partie. Waw, mais quel système génial ! Le mieux est donc de regarder l'adversaire en arborant un air profondément malsain en espérant lui faire oublier ce qu'il voulait jouer, et le pousser ainsi à piocher en premier. Rien ne sert ensuite de poursuivre le duel, épargnez-vous ce calvaire, et passez au combat suivant. Hourra !
10/ Autant les combat sont d'une complexité révoltante, autant le principe de pose des objets se résume simplement à poser sa carte devant soi. Etonnant qu'il ne faille pas douze jets de dés pour voir si on ne fait pas tomber son objet, si on arrive à le soulever, ou si un lutin farceur ne nous le prend pas des mains pour faire du profit en phase 3. Il faut juste faire attention au nombre de mains qu'on utilise, ce qui force parfois à perdre une action pour enlever une arme afin d'en mettre une autre à l'action suivante. Ce qui fait donc perdre deux actions, et la partie également. Le mieux est donc de regarder l'adversaire en arborant un air profondément malsain en espérant lui faire oublier ce qu'il voulait jouer, et le pousser ainsi à changer d'arme en premier. Tiens, j'ai comme une impression de déjà-vu d'un coup.
Enfin, ce qui n'est par contre pas paradoxal du tout, c'est que ce jeu n'est pas cher, et est très nul. D'ailleurs, je l'ai acheté tellement peu cher que je compte même le céder gratuitement, parce qu'il ne vaut même pas la (maigre) place qu'il occupe sur mon étagère.