Qu'il s'exprime par les livres ou les films, j’exècre le genre policier, et je tenais à vérifier si mon dégoût du genre se poursuivrait jusque dans le domaine ludique.
Pour commencer, je dirais que 15 balles / heure c'est assez cher payé, surtout quand ça se transforme en 15 balles / 10 min ! Alors je sais que tout est relatif quand on voit que certains sont ravis de dépenser la même somme pour une pinte en plein Paris, mais tout de même ! Si l'on reste dans le domaine des jeux, on a quand même vu plus rentable dans le ratio plaisir ludique / dépense. Quand je pense à mon 7 Wonders Duel qui, pour le même prix, m'a offert une centaine d'heures de jeu...
Pour aborder le jeu en lui-même, je ne sais pas si c'est l'inanité de ses règles ou l'histoire qui m'a le plus gonflée.
Le système est vide, au sens littéral : la scène principale est composée de cartes étalées sur la table. Il est indiqué que l'on peut, A TOUT MOMENT prendre une carte sans la retourner pour la regarder de plus près. Mais aussi que l'on peut A TOUT MOMENT retourner une carte pour en dévoiler les indices. C'est le fameux "en même temps" de Macron !
Pourquoi donc se prendre la tête à examiner une carte alors qu'on peut directement TOUTES les retourner ? "pOuRE gAGNé plUS dE pOInTS et aVOiRe 1 mEillEUre sCoRE" me rétorqueront les rageux. Sauf que l'on s'en fout des points, du score, de l'arithmétique. C'est un jeu d'enquête, donc un jeu d'ambiance, pas un jeu d'ingénieur. Il aurait été plus malin, par exemple, vu que l'objectif est de limiter les cartes à retourner, de penser un système de points de vie que l'on serait amené à perdre dès lors que l'on aurait retourné trop de cartes : blessé par un piège, un antagoniste, un coup de feu, etc. Mais non, il est vraisemblablement plus facile de fouler du pied toute atmosphère en cédant à la facilité des viles mathématiques.
Quant à l'histoire, c'est une nouvelle fois exaspérant de conformisme ; conformisme que l'on pourrait à la limite excuser s'il servait l'histoire. Mais c'est ici tout le contraire : on se doute bien que les bourreaux de ce cadavre sur lequel a été scarifié un slogan écolo ne peuvent être les gentils antispécistes (bien), quand bien même il ne s'agit que d'un ramassis de loqueteux et de terroristes fichés par la justice. Non, bien sûr, on se doute vite que tout cela n'est qu'une fausse piste et que le motif est ailleurs, à rechercher du côté des méchants capitalistes russes fourreurs (pas bien). Je n'ai pas fini l'enquête (je ne suis pas maso, contrairement à la victime du jeu) mais je suis prête à le parier ! Il ne suffit pas d'exhiber un fouet sur la boîte et de fanfaronner "pour public averti" pour être mature. Le polar aime normalement naviguer dans les eaux troubles de la nature humaine, dans la fameuse "zone grise". Ici, le genre se noie dans une moraline de collégien.
Un jeu raté, qui aura au moins réussi, par comparaison, à me faire éprouver de la sympathie pour Derrick (dont l'interprète m'était déjà sympathique).