Ce Queen Games au format Alhambra d'origine (ces "grosses petites boîtes" sympathiques mais dures à ranger) a une réputation au raz des pâquerettes: thème plaqué, incohérence, chaos répétition, simplicité... n'en jetez plus! Ou plutôt si, jetez-le! Car grâce à ces mauvaises critiques, on le voit passer pour une poignée d'euros sur le marché de l'occasion, et c'est tant mieux car il s'avère étonnamment réussi: beau (Menzel), simple (un seul jeu de cartes, 4 actions de déplacement, 6 palais, c'est tout!), et surtout beaucoup plus profond qu'on ne pourrait le croire à la première partie, où l'on remarque surtout les mouvements un peu frénétiques des gardiens et des voleurs. Je précise qu'en matière de jeu de majorité, je n'affectionne ni les grands écarts thématiques (ah Rudiger Dorn et ses vases communicants capilotractés!) ni les mécaniques incohérentes, arbitraires et statiques de l'allemand froid (ah les contraintes de pose de Kardinaal und Konig! ah Médina et ses couvreurs voleurs de palais!), hé bien ici aucun souci de ce type, c'est vraiment du majoritaire allemand familial pur, élégant, intelligent. Évitez le jeu à 2 car ça reste assez simpliste, alors que justement c'est l'instauration d'une certaine ébullition interactive permanente (sorte d'"awalé fou" ou de "Cartagena sous acide") qui lui donne tout son sel. Le fait que les gardiens puissent emmener un voleur avec eux est vraiment bien vu et dynamise encore plus les basculements constants. Dans ce mouvement incessant, les positions des gardiens et des voleurs restent parfaitement visibles, si bien que l'on a l'impression de très vite "piger" le jeu, et que l'on se met à élaborer des petites stratégies. La gestion de main rappelle un peu Kardinaal und Konig, mais en tellement plus dynamique et moins frustrant, moins froid pour ainsi dire. Au fond, je pense que ce voleur de Bagdhad souffre surtout (un peu comme Métro) d'être un jeu clairement familial édité par cette maison vénérable qui a donné tant de grands classiques du jeu de gamer (ou en tous cas des passerelles vers le gamer) et représente si bien l'âge d'or du jeu allemand. J'irai même plus loin: un joueur invétéré aura tendance à prendre ce type de jeu de haut en mode "bon alors c'est quoi ce petit familial bébête où l'on gagne par hasard", mais la petite bête en a plus que prévu dans le moteur et réclame de s'accrocher à sa courbe de progression.