Discover propose un simulateur d'exploration et de survie coopératif simple et concis, avec comme point de départ la situation suivante, qui n'est pas sans rappeler un certain bouquin de P.J. Farmer: vous vous réveillez avec une sacrée gueule de bois, à poil au beau milieu d'une cambrousse sauvage, hostile, et donc inconnue... c'est le black-out total, pas moyen de vous souvenir de ce qui a bien pu vous conduire ici.
Il va donc falloir, sans paracétamol, commencer à explorer les contours d'un territoire embrumé (le plateau est fait de tuiles modulables d'abord disposées sur un verso "brouillard de guerre") et gérer l'inévitable pénurie d'eau et de nourriture pour espérer s'en sortir, à quoi vont s'ajouter d'autres impératifs en fonction de la nature du terrain contenu dans la boîte: faire du feu, crafter des outils et des armes pour se protèger des menaces ou améliorer les performances de son survivant, etc...
Outre la survie pure et simple, les joueurs vont également devoir résoudre l'énigme de leur situation en rassemblant des indices narratifs au fur et à mesure de leur exploration: gagner une partie exige donc de rester en vie tout en menant l'exploration nécessaire au dévoilement progressif de l'intrigue cachée, qui procède par ricochets d'un point à un autre de la carte.
Chaque boîte unique rassemble une combinaison de deux types de territoires différents parmi les six possibles (Île, Vallée, Bayou, Montagnes Enneigées, Désert, Terres Arides) auxquels sont associés des contraintes spécifiques et plusieurs scénarios thématiques: Chaque type de terrain se combine à deux scénarios qui peuvent s'enchaîner, plus un scénario compétitif un peu mou du genou (chacun pour soi, à la Battle Royal) valable pour n'importe quel type de configuration.
Ces scénarios sont gérés par des cartes textuelles acquises en explorant certains lieux numérotés imprimés sur les tuiles de terrain, ce qui signifie qu'en ouvrant votre boîte, il y a toutes les chances que vous découvriez une combinaison totalement originale et donc quasiment unique.
Beaucoup de commentaires crient au scandale quant à ce choix éditorial certes un peu artificieux, mais honnêtement, je ne vois pas où est le problème! L'idée d'avoir une configuration différente dans chaque boîte est plutôt accessoire mais pas déplaisante non-plus; à vrai dire on s'en moque un peu...
Alors quoi? On peut regrêter le prix de la boîte c'est vrai: 55 euros paraissent excessifs compte tenu du matériel proposé, qui est tout-à-fait satisfaisant et adapté mais correspond plus à une quarantaine d'euros si on le compare à d'autres jeux. On devine que cela est dû à l'effort éditorial considérable qu'il a fallu déployer pour écrire toutes les variantes combinatoires du jeu et les répartir aléatoirement mais efficacement dans des boîtes nécessairement toutes différentes... Rappelons à ce titre que les informations imprimées sur les tuiles du plateau varient en fonction des scénarios qui leurs sont associés, ainsi que la nature des cartes d'équipements et de menaces, de même que les pions d'exploration placés sur les icônes spécifiques à chaque tuile de terrain, sans parler des 32 personnages différents disséminés par paquets de 12 (!) dans chaque boîte... paye ta logistique algorithmique!
Alors oui, on peut se demander à quoi bon, mais je soupçonne que cela froisse davantage les joueurs-collectionneurs-rouspetteurs que les joueurs tout court qui, rappelons-le, peuvent avoir 8 ans et pas toutes leurs dents...
Bref, Discover est un jeu accessible, convivial et agréable, sa difficulté assez bien dosée et son matériel modulé assurent une rejouabilité que je trouve largement suffisante quoique nécessairement limitée (c'est le cas d'un sacré paquet de jeux!). Le thème est très bien intègré au système de règles et la direction artistique est à la fois sobre et attirante (je kiffe le graphisme bienveillant utilisé sur les cartes de personnages, qui sont par ailleurs des quidams aux professions variées, pas des super-héros surentraînés qui froncent leurs sourcils).
Dans la foullée du remarquable mais interminable 7ème Continent (au sujet duquel on pourrait aussi émettre quelques critiques justifiées quant au modèle économique retenu...), Discover propose une voie médiane beaucoup plus souple et accessible et c'est tant mieux. Passé ce constat il est inutile de forcer la comparaison, puisque l'auteur du jeu à nécessairement dû opérer des choix de simplification et de rationalisation pour obtenir des parties pliées en une seule session de deux heures grand maximum.
De ce point de vue, Discover est une réussite, avec ou sans son inoffensif principe de "jeu unique".