« Dune: Imperium », avant d’être le Tric Trac d’Or 2021, c’est d’abord un avis plutôt difficile à rédiger… Parce qu’il s’agit d’un jeu plutôt difficile à cerner. Voyons voir…
Le thème annonce déjà la couleur. Dune, c’est quand même pas pour les danseuses étoile. Ça fait expert.
La direction artistique ensuite : sobre et sans chichis. Pas de quoi se faire distraire donc. Ça fait aussi un peu expert.
Ho… Du placement d’ouvriers. Et quoi qu’on en dise, c’est même du vrai placement d’ouvriers : un seul agent placé par case, ça arrive souvent de couiner quand on se fait passer devant par un adversaire. Ça fait expert, le placement d’ouvriers.
Des ressources ! 3 différentes (4 si on compte les armées). Et même qu’on n’en récupère pas des brouettes. Il va falloir agir avec parcimonie, optimiser vos actions pour arrondir la quantité de ressources dont vous avez besoin au bon moment. A y regarder de plus près, l’usage potentiel des ressources est assez bizarre : « Ha oui, je chope de l’argent, comme ça je pourrai choper de l’épice, comme ça je pourrai… Heu… Attends, je fais quoi déjà avec cette épice… Ha oui, j’envoie des troupes… Zut ! Mon adversaire est passé devant de moi avec la guilde spatiale. Bon… Pas grave… Ha oui, j’ai de l’eau aussi… Je fais quoi avec ? Ha, je peux rechoper un peu plus d’épice. Oui, mais je ferai quoi avec toute cette épice ? Ha ! Je peux l’échanger contre de l’argent… ». A l’issue de ce raisonnement, vous êtes déjà probablement au tour 3. Sur 10. Bref… Ça fait expert.
Ha : du deck building aussi. J’adore ça, moi, le deck building. Oui, mais attends… Tu vas pas pouvoir te gaver, mon grand… Un peu comme les « Ruines perdues de Narak », votre stratégie va fortement conditionner le nombre de cartes que vous achèterez. Ça ira de rien du tout (oui, oui, c’et possible), à finalement pas beaucoup. Je dirais au final, entre 10 et 15 cartes maximum. Du coup, c’est pas le deck building qu’on a l’habitude de jouer. Choisissez méticuleusement. En plus, les cartes que vous jouerez ne serviront pas toutes de la même manière, ni au même moment de la partie. Je ne peux pas me gaver de cartes, en me disant « rho prends cette carte, c’est pas grave, si elle te sert pas, elle va pas empêcher ton deck de tourner ». Non, vous vous dites plutôt « si je prends cette carte à la noix, elle va diluer mon petit deck tout mignon, je vais la choper au prochain tour, je ne vais rien pouvoir en faire, et mon adversaire va bien se moquer de moi. ». Ça fait expert aussi ça, non ?
10 parties plus tard…
Dune: Imperium n’est pas tout à fait (du moins, tout dépend de la définition que vous en avez) un jeu expert. Ce n’est pas un jeu familial. Mais il n’est pas expert pour autant.
Pourquoi ? Parce qu’une grosse chape de fourberie chapeaute l’ensemble du jeu. Vous pouvez avoir échafaudé la meilleure stratégie possible, il se pourra toujours que vos adversaires achètent la carte de dingue que vous n’avez pas pu acheter (parce qu’elle n’était tout simplement pas disponible à votre tour). Pire : les cartes complots. Alors, celles-là… Merci Paul Dennen. Grâce à elles, je ressens pleinement ce que c’est que de se faire trahir par le Dr Yueh. Je ressens pleinement ce que c’est que de se faire laminer mine de rien par une légion de sardaukars déguisés en soldats harkonnens. Bref, je ressens pleinement ce que c’est que de devoir me méfier des capacités de mes adversaires. Ces cartes complots sont en plus déséquilibrées les unes par rapport aux autres. Leurs effets vont de « gagner 2 tunes » à « ratisser le champ de bataille avec 6 légions ». J’exagère à peine.
Bref, bref, bref… Aussi bizarre que cela puisse paraître, à la relecture de mon avis, j’aime bien ce Dune: Imperium. Il faut juste en accepter les limites. Ne pas le surévaluer. Si vous êtes du style à planifier tout au millimètre près, à vouloir sentir cette montée de dopamine caractéristique au moment où tout s’imbrique bien comme il faut, que vous avez l’épice suffisante pour prendre le contrôle d’Arrakis, qu’à ce moment-là, votre génie en gestion vous fait dire que le Kwisatz Haderach aurait pu être vous, que s’il n’était pas mort, vous auriez déjà envoyé un mail à Frank Herbert pour lui soumettre votre nom de famille, afin qu’il en crée une nouvelle maison dans son tome 7… Hum… Je m’égare… Bref, si vos talents de gestionnaire et de stratège hors pair vous font penser avoir trouvé la clef pour replier l’espace et le temps à coup de kubenbois… Méfiez-vous. Votre intelligence sera ruinée à coup sûr par un coup bas. Une ou deux malheureuses cartes que votre adversaire aura pioché. Et pas vous. Votre descente sera douloureuse. Mais elle vous aura appris une chose : jouer, c’est fait pour s’amuser.