Contexte : 2 solo ( à éviter), 1 partie à 2 et 2 parties à 3
Faiyum est un jeu assez déroutant. D'abord par son look suranné. Perso j'y vois comme un hommage à des jeux tel que Amun Re ou Râ ( une époque de jeux aux mécanismes ciselés et épurés sur des thèmes un peu plaqués) . Mais il faut reconnaitre qu'en 2021, ça jure un peu. Heureusement côté matériel, on trouve de nombreuses pièces différentes. Si elles sont brutes et stylisées, la diversité de leur formes et coloris donnent un peu de peps au jeu.
Le jeu donc. Friese reprend un principe à la Concordia : une main de carte, 3 actions possibles : jouer 1 carte, en acheter 1 nouvelle, reprendre les cartes jouées. Avec toutefois quelques nuances non négligeables qui forgent la personnalité de Faiyum :
- le principe d'arrivée semi-aléatoire des cartes. Ca donne une ligne directrice et surtout autorise une certaine narration (étonnante au regard du style "allemand" du jeu) autour du développement urbain de cette région de Faiyum
- la reprise des cartes : on ne reprend par défaut que les 3 premières. Ceci fait que naturellement les cartes obsolètes vont "tomber"au fond de la défausse. La petite astuce c'est qu'elles ne sont pas réellement perdues pour autant, puisque même si on ne reprend plus après quelques cycles une carte, rien n'empêchera ultérieurement de creuser plus profondément cette défausse pour aller la chercher (bon dans la pratique, on le fait peu :) ,enfin jusqu'ici de mon expérience ;) , mais ça reste une option possible).
Mais surtout, la nuance la plus importante c'est le principe de co-construction : excepté l'argent les ressources et bien sûr les cartes, tout ce qui se passe sur le plateau est commun à tous les joueurs. Et donc ce sont eux qui vont construire leur propre partie, par les choix de développement (ou non-développement ;) ) et aussi par l'arrivée des cartes. Ceci fait que globalement il y aura des cartes qui apparaîtront plus forte que d'autres mais d'intérêt identique pour chaque joueur ( ce qui fait que globalement il y a peu d'effet top deck où un joueur peut profiter du tirage de carte qui combotent uniquement avec son jeu).
Cet aspect co-construction est un truc qui fonctionne vraiment bien et plus les joueurs pratiqueront, plus les physionomies de partie pourront changer. Autre point appréciable : à l'instar de Concordia déjà évoqué, les règles sont assez simples (attention jeu qu'en anglais pour le moment) et le jeu se pratique de manière plutôt légère sans perdre au niveau de la richesse des situations à gérer.
Comme pour son côté vieillot, il ne faut enfin pas se fixer aux apparences : le jeu peut donner l'impression de manquer de montée en puissance, de répétitivité. En réalité, la progression est bien là (c'est léger, mais par exemple, on passe de cartes produisant 1 ressource, à d'autres en donnant 2 et enfin 3. C'est pas époustouflant, mais la différence peut être énorme en réalité). Contrairement à d'autres jeux modernes qui auront des manches explicites, ici rien n'est écrit, il faut sentir la dynamique et notamment préparer cette fameuse fin de partie où les scores peuvent exploser.
Faiyum est un jeu avec ses petits défauts, ses choix éditoriaux un peu étranges, son format un peu bâtard (durée de 2 heures pour un jeu qui consiste juste à enchainer des cycles de cartes). Mais finalement sur ce dernier point, son défaut en devient une qualité : c'est un jeu que je constate très propice à une pratique légère d'un gros jeu. On peut facilement moduler son attention , moins concentré à un moment, un peu plus à un autre, sans y perdre en richesse ni compromettre une victoire (bon , il faudra quand même être un minimum concentré pour espérer gagner ;) )
Bon, je ne vais pas me limiter à ce simple "plouf", qui serai alors enfantin, laissé tout seul pour unique explication.
Faiyum propose un curieux mélange des genres, mêlé dans un esthétisme daté dans l'univers du jeu de société, mais bien plaisant.
L'auteur propose ici une once de deckbuilding, mais façon "Concordia" & Co. Mais il y ajoute une jolie subtilité : quand vous récupérez vos cartes, vous ne reprenez que les 3 premières de votre défausse, puis potentiellement les suivantes à raison d'une thune par carte.
Ca nous fait jouer autrement, mais personnellement, j'aurai souhaité que ce soit plus prépondérant dans le jeu, plus douloureux dans les choix. Ici, c'est presque anecdotique.
Autre mécanisme connu qui est ici modelé différemment : la rivière de cartes à acheter, qui devient semi-aléatoire. Ce petit ajout de règles simple qui permet d'influer sur l'ordre d'arrivée des cartes est lui aussi malin, car les cartes les plus fortes ont alors une arrivée retardée et/ou à des prix plus élevés.
Oui, mais ça entraine quand même beaucoup de manipulation (un peu fastidieuse). Et comme l'ordre d'arrivée des cartes est moins aléatoire que celui d'une simple pioche et que nous verrons toutes les cartes à chaque partie, ça diminue d'autant la variété du jeu.
Celà dit, d'une partie à l'autre, nous ne pourrons pas "construire" telle ou telle ressource aussi tôt que lors de la précédente. Mais il s'agit selon moi d'une "fausse variété".
Le plateau de jeu ajoute une interaction bienvenue, qui manque souvent aux jeux de deckbuilding. La pose des différents pions sur le plateau est une belle version déguisée des jeux à la Rosenberg, de ressources qu'on transforme en ressources.
Enfin, le jeu donne une impression de choix uniques / simples / linéaires (rayez les adjectifs inutiles) lors des premiers tours de jeux, ainsi que lors des derniers. Bref, seul le milieu de la partie reste vraiment intéressant. Mais pas assez enthousiasmant... chez moi.
6,5