*F.F.F.*, pour les intimes, aurait a priori pu être un jeu de commerce et de parcours comme beaucoup d'autres. Un jeu d'achat et de livraison, ou "pick & delivery" comme disent les jeunes d'aujourd'hui, où l'on boursicote pour acheter des ressources pô cher et pour les revendre à bon prix. Le système de fluctuation des cours est d'ailleurs plutôt bien pensé, et restitue sur le plateau une sorte d'econo-système dynamique et cohérent, agréablement perturbé par les effets collatéraux des transactions (production, variation de cours, déplacement de personnages...). Avec toutefois un thème farfelu et assez tarabiscoté, qui consiste à parcourir des kiosques aux symboles cabalistiques dans un jardin sinistre, en radeau ou en saute-mouton, en troquant des dauphins, des cigarettes et autres poireaux auprès de boutiquiers patibulaires, tout ça pour récolter des totems et délivrer une fée des griffes d'un psychopathe désobligeant, le tout dans un univers vert, trash et décalé. Tout un programme !
Oui mais voilà, *F.F.F.* n'est vraiment pas un jeu comme tous les autres, pour peu qu'on puisse y jouer avec trois boîtes différentes, quinze copains surmotivés, trois grandes tablées, et suffisamment de place pour accueillir le tout. Pas si simple, pour sûr, mais ce n'est que dans ce cas que le jeu révèle toute son originalité et qu'il prend une autre dimension. On passe alors d'un jeu de transactions assez complaisant à une course aux bonnes affaires totalement frénétique, où l'on joue plus vite qu'on ne réfléchit, et où la tension est d'autant plus forte que le jeu peut s'arrêter n'importe quand sur une autre tablée sans crier gare. La valse des joueurs d'une table à l'autre peut alors prendre des accents surréalistes, notamment lorsqu'un joueur se retrouve seul à jouer dans son coin sur une première table, tandis que huit autres s'énervent de ne pas jouer assez vite sur une deuxième, et que la troisième désespère d'avance de devoir venir sur la deuxième ! Bref, des moments ludiques comme on en voit trop rarement.
*F.F.F.* est donc un jeu unique, pourvu qu'on en ait trois différents (!). Dommage que son format hors norme empêche de le voir sortir aussi souvent qu'on le voudrait.