Freedom est un jeu coopératif qui permet de revivre l'histoire de milliers d'esclaves noirs qui ont, au XIXème siècle, fuit le sud des Etats-Unis pour rejoindre le Canada à l'aide d'un réseau clandestin appelé "chemin de fer". Ce jeu a reçu de nombreux prix prestigieux et est utilisé dans les écoles américaines pour enseigner cet épisode historique.
Il bénéficie d'une édition de grande qualité avec un plateau qui reproduit la carte des USA au XIXème siècle. Soigné et lisible il permet de s'immerger dans le sujet.
Les cartes du jeu reproduisent des photos, gravures ou dessins de lieux, événements ou personnages historiques. Au bas de chaque carte on trouve un petit rappel historique.
Les esclaves sont représentés par des petits cubes en bois. Ce point a été l'objet d'un débat passionné lors de la sortie du jeu aux USA, certains étant choqués par cette représentation. Mais les historiens ont fait valoir qu'à l'époque les esclaves étaient traités comme des marchandises de faible valeur. L'analogie esclave/cube en bois est donc appropriée.
Dans Freedom chaque joueur a un rôle qui correspond à la réalité historique (conducteur qui dirige les convois, chef de station qui organise les relais, prêcheur qui mobilise les fidèles...). Les rôles sont complémentaires ; certains apportent de l'argent, d'autres facilitent les déplacements ou agissent plus vite. On sent vraiment qu'on appartient à une équipe et il faut impérativement mettre ses forces en commun et discuter des options tactiques pour réussir.
Le risque d'avoir un joueur leader qui veut diriger les autres est réel, plus que dans d'autres coopératifs car il y a très peu de hasard dans le jeu. Le hasard est limité à quelques mouvements aléatoires de chasseurs d'esclaves (8 lancers de dés au maximum pour la partie) et à l'apparition d'événements favorables ou défavorables par l'intermédiaire de cartes. Au delà de ça tout est analysable et prévisible ce qui limite un peu la rejouabilité.
Ceci dit j'ai joué une dizaine de parties (dans toutes les configurations) et elles ont toutes été différentes dans leur déroulement et dans leur issue.
Plusieurs niveaux de difficulté existent, en adaptant quelques paramètres (3).
A trois ou quatre joueurs qui souhaitent réfléchir, le niveau facile est réalisable sans trop de problèmes, il ne faut pas hésiter à mettre la barre plus haut, au moins en retournant la carte "objectifs de victoire" sur le niveau difficile.
En revanche à deux, et encore plus en solo, certains personnages sont plus puissants et efficaces et un mauvais tirage de cartes peut être fatal (alors qu'à quatre, un des joueurs peut détenir la clé pour s'en sortir).
Les parties durent entre 1 et 2 heures suivant le nombre de joueurs et le temps passé à réfléchir. Prévoir une grande table car le plateau est grand.
Ce jeu est à conseiller absolument à ceux qui aiment les jeux thématiques, avec du sens. Pour profiter pleinement du jeu il me semble indispensable de connaitre un minimum le contexte historique au moins par la lecture des éléments donnés dans le livret de règles. De nombreuses lectures comme "La dernière fugitive" de T Chevalier ou "Les chemins secrets de la liberté" (livre pour ados) de B Smucker permettront de s'immerger totalement dans le sujet et d'être concentré sur l'objectif, tendu à chaque lancer de dés ou apparition de cartes.
En revivant l'Histoire, chaque victoire est un soulagement, chaque défaite un abattement qui donne envie de recommencer pour mieux faire. Dans le jeu, comme dans la réalité, il faut parfois sacrifier un esclave pour permettre l'évasion d'un autre groupe plus important : ce n'est pas une décision facile.
C'est un jeu que l'on a plaisir à faire découvrir à ses amis avec un prologue historique indispensable avant les règles, par ailleurs fort simples et claires. Ce n'est pas le jeu avec lequel vous enchainerez les parties mais son originalité, sa beauté et ses mécaniques ludiques efficaces peuvent lui accorder une belle place dans votre ludothèque.
En revanche si vous cherchez un jeu léger, futile et amusant, Freedom ne me semble par répondre à ces critères.
Dans la catégorie livres il y a des "beaux livres" qui se distinguent par leur qualité éditoriale et leur sujet ; Freedom fait partie des "beaux jeux".