"- Mais dites-moi... la peinture n'est pas simplement écaillée ! Ce sont des plaques entières qui se détachent du plafond... Elles doivent tomber sur les fidèles ! Regardez par terre..."
Cette fois, je sentais bien que l'évêque perdait son calme. Sa voix n'était plus aussi douce et paternelle comme au début de sa visite, elle montait à présent dans les aigus, d'autant plus que, la tête penchée en arrière, il continuait à examiner la voûte :
"- En tant que prêtre de cette paroisse, vous auriez dû m'avertir de ces dégradations depuis longtemps ! Non mais regardez-moi ça ! Adam n'a plus qu'une main, Abraham n'a presque plus de barbe, une grande tâche d'humidité cache le visage de la Sainte Vierge et Notre Seigneur là-bas... on devine à peine sa croix !"
Evidemment, j'aurais pu répliquer que si monseigneur l'évêque était venu plus régulièrement célébrer la messe dans la cathédrale, ou bien s'il avait lu les courriers d'alerte adressés régulièrement par mes soins au diocèse ces dernières années, on en serait peut-être pas là. Et encore, il a pas vu l'état de l'autel et de certains vitraux...
"- Monseigneur m'autorise-t-il à lancer des consultations auprès des artisans locaux ? Suis-je assurer du soutien financier de l’évêché ? "
"- Oui, faites cela sans tarder ! Et je veux les meilleurs hein ! Je ne veux pas qu'il soit dit plus tard que je suis l'évêque qui a laissé cette cathédrale dans un état aussi pitoyable ! Mais je vous préviens : j'exige également une gestion stricte des deniers de l'Eglise et croyez-moi, je vais rester en veille sur l'évolution des travaux".
La perspective de voir l'évêque rester un peu trop longtemps dans le coin me motiva encore plus pour faire accélérer les choses...
Fresco, c'est donc avant tout une histoire de chantier. Les joueurs sont des architectes/Peintres/chefs de chantier en concurrence pour refaire à neuf une cathédrale bien mal en point (toute ressemblance avec une situation réelle ou imaginaire serait fortuite et/ou involontaire) et l'enjeu est de taille : devenir en cas de succès l'artisan numéro 1 pour tous les bâtiments religieux de la région, voire plus loin encore,.. ça vous donnerait du travail en permanence. Et puis le client étant toujours solvable, la fortune de votre petite entreprise serait assurée sur la durée. Queen Games fut bien inspiré en éditant ce jeu que les deux auteurs, Marco Ruskowski et Marcel Süsselbeck, ont ensuite continué à développer si bien que Fresco compte pas moins de 10 modules, dont 3 sont étaient déjà fournis avec le jeu de base. Je les possède tous, même si certains sont plus dispensables que d'autres. C'est vraiment agréable de pouvoir composer votre jeu pour une partie en ajoutant les modules de votre choix, renouvelant ainsi à chaque fois les problématiques posées aux joueurs. Généralement, je joue avec 3 ou 4 modules, pas plus, afin de ne pas rallonger les explications et ne pas transformer Fresco en usine à gaz. Je n'ai jamais essayé la "full -partie" qui doit être au final bien trop chaotique avec une salade de points indigeste.
Alors comme je sens que la question vous brûle les lèvres, voici un classement, très personnel, des modules de Fresco :
- Les plus intéressants : Module 1 Les portraits, Module 3 Les mélanges de couleurs spéciaux, Module 6 Les vitriers (peut-être le meilleur des 10 modules), Module 8 La cloche, Module 9 La fresque Murale.
- Intérêt moyen : Module 2 Les commandes de l’évêque, Module 4 La fontaine aux souhaits, Module 10 Le Médecin.
- On peut s'en passer : Module 5 Les feuilles d'or, Module 7 Les parchemins.
Que dire de plus sinon que le jeu est doté d'un matériel agréablement illustré, je le considère d'ailleurs comme l'un des plus esthétique de ma ludothèque. Depuis 10 ans, j'aime bien le sortir de temps à autres et le faire découvrir souvent avec succès. Il faut dire qu'on y trouve plein de petits mécanismes avec des interactions indirectes mais présentes sur pratiquement tout les aspects du jeu : Le marché des couleurs, les choix de portrait, la rénovation des tuiles (mention spéciale à la voûte qu'on découvre au fur et à mesure de la réfection), le choix de l'heure de levé, la lutte sur les vitraux, etc.. il y a de la programmation secrète d'action, de la gestion d'argent, un peu de management et puis il y a des couleurs de peintures (représentées par des cubes) qu'il faut mélanger soigneusement.
Bon, un défaut quand même ? Oui, même si j'ai vu parfois des écarts importants entre le premier et le dernier par exemple, j'ai rarement assisté à une large victoire, sans doute parce que le jeu est un peu trop équilibré... d'où l'importance des modules qui peuvent engendrer des écarts plus conséquents en offrant aux joueurs des voies stratégiques nouvelles... et libre à chacun de les jouer ou pas, sachant que les parties se jouent à des rythmes différents, sans un nombre de tour fixe.
Fresco est un jeu assez complet en sensations ludiques, jouable avec des joueurs aguerris ou des joueurs plus occasionnels, à découvrir ou redécouvrir.