"- Bon, monsieur le Marchand, je ne vous cache pas qu'un passage à la Villa Colini serait une bonne idée et..."
"- Ok, on commence à 5 ducats et une marchandise !"
"- Heu... attendez, je vous propose 5 ducats pour commencer, après on...
"- Et moi je vous dis que la base de la négo commence avec 5 ducats ET une marchandise".
"- Pardon de vous interrompre, mais moi, je vous propose 5 Ducats plus deux marchandises, mais de mon choix et pour faire une promenade au Parc.
" - Mais on vous a pas sonné vous ! Si vous voulez prendre l'air, vous avez qu'à ouvrir une fenêtre. Et puis c'est quoi cette proposition indécente ? "
Du fond de la cuisine :
"- Hé, monsieur le marchand ! Pour aller au Bureau de Poste, je vous propose 10 ducats, une tuile privilège, une marchandise et en prime je vous rapporte une bière du frigo".
"- Affaire conclue !"
Voilà. Ça, c'est un exemple de négociation durant une partie de Die Händler von Genua, un jeu sorti initialement en 2001 chez Alea et qui porte le numéro 6 dans la collection "Grandes boites". En 2008, nous avons eu droit à une belle réédition de Filosofia sous le nom simplifié de Genoa. Inutile de présenter son auteur, monsieur Rüdiger Dorn, bien connu notamment pour Goa, Die Baumeister von Arkadia, Louis XIV (devenu Mafiozoo) ou encore Istanbul.
Les jeux basés sur l'art de la négociation commerciale sont peu fréquents ou du moins, apparaissent plus souvent sous forme d'enchères plutôt que de propositions libres de joueur à joueur. Alea n'en était pas à son coup d'essais pour ce type de jeu puisque Chinatown (collection grande boite, n°2) avait déjà ouvert la voie, mais avec Die händler von Genua, l'éditeur proposait un jeu plus complexe sur le plan des règles mais aussi des différents éléments proposés à la négociation ; On peut s'échanger de l'argent, des jetons divers qui donnent des bonus, des cartes (commandes, messages, contrats) ainsi que des marchandises. La marge de manœuvre laissée au joueur est énorme et la partie est constituée à 80% de négociations, propositions, contre-propositions (parfois même chantages) diverses et variées... si les joueurs jouent le jeu à fond, vous allez finir claqué à la fin de la partie (ce qui fut mon cas à chaque fois).
On parle beaucoup et c'est normal : le joueur actif doit promener le marchand (composé de 5 rondelles de bois superposées ! Un gros pion en kit quoi...) dans la ville de Gènes. Il l'amène où il veut sur certains endroits de la villes, (Commerces, Parc, Villas, Entrepôts, Hôtel de Ville, Port, etc...), mais vous pouvez influencer son parcours pour qu'il le fasse passer par un endroit qui vous intéresse pour réaliser une opération particulière, comme faire un contrat de livraison (et gagner des ducats), prendre une tuile privilèges, acquérir des marchandises, récupérer des cartes commandes, etc...
A chaque tour, un joueur ne peux réaliser qu'une action ; Or, le marchand, en se déplaçant, marque son parcours (en laissant une rondelle de bois) dans chaque case parcourue... et c'est là le problème : il n'y a parfois pas assez d'action pour tout le monde ; d'où la nécessité d'influencer le joueur actif (celui qui mène le marchand durant le tour) pour être certain d'agir. Le joueur actif peut aussi se réserver une action à un endroit sans tenir compte des pots-de-vin. Ensuite, il y a la possibilité d'acheter des bâtiments qui peuvent rapporter des revenus en cours et en fin de partie.
Oui, j'ai oublié de le préciser, l'objectif du jeu est d'être le plus riche à la fin de la partie. A chaque nouveau tour, le marchand change de main, mais attention : s' il y a bien un nombre de tour fixe selon la configuration prévu en début de partie, un événement (je vais pas le détailler) peut faire avancer plus vite le marqueur de tour. Donc le jeu peut aussi mettre la pression.
Selon moi, bien que n'ayant pas des règles trop complexes, Die Händler von Genua n'est pas pour tout public : D'abord, il faut aimer négocier (!), ne pas être timide et puis aussi ne pas être trop fatigué, sinon vous risquez de vous ennuyer un peu et de passer systématiquement à coté des bons coups. Il faut savoir faire semblant de ne pas être intéressé par une direction, bien jauger les offres, etc... bref, de la ruse, de la ruse ! Pour que le jeu donne son plein potentiel, il est largement préférable d'y jouer à 4 ou 5 joueurs.
J'aime beaucoup Die händler von Genua. Il est sans doute mon jeu de négociation commerciale préféré et j'en garde des souvenirs de parties animées avec de bons moments de rigolades. En revanche, il a été parfois durement jugé sur certains sites et après seulement une partie... comme je l'ai dit, il n'est pas pour tout type de joueur. Aussi, tel est mon conseil : Si vous pensez l'acquérir un jour (sans doute sur le marché de l'occasion), je vous recommande de chercher d'abord des avis (il y en a pas tant que ça d'ailleurs) sur plusieurs sites... ensuite, si l'édition Alea a son charme, elle est surtout pour les collectionneurs des jeux de cet éditeur, c'est pourquoi je vous recommanderais plutôt la réédition de Filosofia.
Pour l'anecdote, un collègue joueur a eu l'occasion de disputer une partie de Genoa tout près du port de Génes. C'est le genre de situation qui me fait toujours rêver... :-)