Les jeux de civilisation jouables en 1 heure 30 ou 2 heures, je n'y crois pas. L'effort de certains auteurs pour y parvenir est certes louable et de bons jeux sont venus s'installer parfois sur nos tables avec un "parfum" de civilisation mais pour moi, rien ne remplace la progression lente, la patine du temps qui passe, les heures qui défilent pour les joueurs au point de finir claqué après (au minimum) 3 heures d'une lutte sans merci pour faire entrer ma civilisation dans l'Histoire. Evidemment, j'aime aussi trouver des technologies à faire évoluer, ainsi que les aspects politiques, religieux et militaires.
Ce n'est donc pas le temps de jeu annoncé pour Gentes qui m'a attiré, mais d'abord le design puis les mécanismes proposés. Alors vous l'aurez compris, je ne considère pas Gentes comme un jeu de civilisation, mais plutôt comme un jeu de gestion typé eurogame/allemand, sur le thème civilisationnel. Et encore, la présence de ce dernier, ou plutôt sa relative discrétion, est pour moi le point faible du jeu, mais pour le reste, Gentes m'a vraiment surpris.
Lorsque j'ai ouvert la boite, j'ai d'emblée été séduit par les graphismes avec ce petit coté africaniste assez original, qui change des gars casqués avec épée, bouclier et jupette dés qu'on parle de "jeux de civ'".
Le plateau est un peu surchargé (en plus, je confonds parfois les cités jaunes avec les cités vertes), mais il remplit parfaitement son office et on s'y habitue rapidement. J'aime bien les cartes en revanche ainsi que les tuiles populations, à la fois sobres et élégantes. Durant les parties, mon intérêt pour ce jeu a été crescendo : de "Pas mal, sympa" à la première partie, je suis passé à "Ah oui, quand même ! Tendu, belle partie" après la seconde, puis à la troisième "Je suis épaté ! C'était passionnant, avec des voies différentes pour chacun, on remet ça quand vous voulez !" Et je ne fus pas le seul : Le déroulement de l'ensemble avec tous ces petits mécanismes bien trouvés et qui s'articulent parfaitement entre eux ont séduit des joueurs qui comme moi en ont pourtant vu d'autres.
Dans Gentes, il y a 3 ères au total, chacune ayant deux manches et chaque manche est divisée en une période dite d'Apogée (durant laquelle on joue à tour de rôle des actions) et une période dite de Déclin avec revenus, quelques ajustements et remise en place de différents éléments.
Deux types de monnaie dans le jeu : l'or et... le temps. La mécanique des jetons temps nécessaires pour chaque action est exigeante et vous poussera à prendre des risques. Car ce que vous faites sur un tour et la manière dont vous gérez le temps va impacter votre tour suivant, et même les manches. Maintenant, si vous jouez "plan-plan", ce ne sera pas suffisant pour finir sur la plus haute marche du podium. L'interaction avec les autres joueurs est plutôt indirectes, mais elle peut vraiment faire mal par moment.
On ne pose pas d'ouvriers pour réaliser une action, mais on retire des petites tuiles, en nombre limité vous pensez bien, à prix variables car naturellement, le premier arrivé est souvent le mieux servi. Selon la tuile prise, vous faites l'action indiquée : prendre une ou plusieurs cartes, mettre une carte bâtiment en jeu, poser un de vos pions cités ou foyers, augmenter le nombre de certains de vos habitants...
Le jeu sanctionne une mauvaise gestion du temps et des cartes en main. En effet, en fin de partie, il est possible de gagner la moitié des points des cartes que vous n'avez pu poser si vous remplissez les conditions nécessaires, mais à l'inverse, vous perdez la moitié des points de celles que vous possédez encore et qui n'auraient, de toute manière, pas pu être jouée.
La population est divisée en 6 type de citoyens, à savoir les marchands, les nobles, les érudits, les soldats, les prêtres et les artisans. Chose amusante, ces "castes" sont en binômes : ainsi, quand le nombre de soldats augmente, le nombre de marchands diminue et inversement. De même, plus il y a d'érudits, moins il y a de prêtres (ou le contraire). Il y a bien une certaine philosophie derrière tout ça, mais je vous laisse méditer là-dessus. Les cartes, variées, donnent une belle richesse au jeu et représentent des progrès, des bâtiments, des merveilles (éléments classiques mais bien exploités). Elles peuvent donner des points, des bonus immédiats ou permanents, des actions, des améliorations d'actions ou encore des points de victoires.
Si les choses devaient ne plus évoluer pour lui, je suis certain que Gentes fera partie plus tard de ses jeux qui sont souvent cités dans les sujets genre "Vos perles méconnues" ou "Les jeux injustement oubliés"... En effet, je n'ai pas vu beaucoup de retours de parties le concernant, même si les quelques avis sur le site sont plutôt positifs. Gentes n'a franchement rien à envier à certains "hits" parfois un brin surévalués, donc, si vous le croisez sur une table et si vous aimez bien le genre, n'hésitez pas à vous lancer dans une partie, Gentes pourrait vous surprendre aussi.