Hansa Teutonica a des allures d’Aventuriers du rail : on y pose des pions de notre couleur sur des routes pour s’en emparer, la plus grande route est récompensée, le module Missions ajoute même des trajets à réaliser entre des villes précises pour davantage de points…
Sa première qualité et originalité est cependant d’être plus franchement interactif, étant donné qu’on y est en constante opposition tactique avec nos adversaires, bien loin de la gêne presque toujours involontaire du jeu d’Alan R. Moon. Pas de hasard ainsi dans Hansa Teutonica, et pas d’autre imprévisibilité que le facteur humain, bien entendu plus ou moins guidé par vos propres décisions et la manière dont vous transformerez toutes et tous ensemble le plateau.
On place ainsi nos commerçants progressivement sur les routes plutôt que de s’en emparer d’un coup, ce qui rend nos convoitises plus visibles par nos adversaires et leur permet même… de nous déloger – mais avec un système de compensation qui est bien loin de rendre ce remplacement injuste, si important même que l’on pourra chercher à se faire déloger pour mieux se placer encore !
En outre, après avoir occupé toutes les cases d’une route, il faut réaliser l’action distincte de créer une route commerciale, octroyant des points aux joueurs possédant les villes reliées par la route… avant de défausser ces commerçants, la route étant à nouveau disponible !
C’est que l’objectif n’est pas d’occuper les routes, mais de connecter des villes, la complétion des unes permettant de construire des comptoirs dans les secondes, lesdits comptoirs étant à nouveau en compétition, parce que seul celui qui en possèdera le plus dans une ville, ou qui possèdera le plus fort, marquera des points quand des routes y seront connectées… On ne cesse donc jamais de surveiller ce que font les autres et de lutter, faisant de Hansa Teutonica une exception flagrante à la réputation d’interaction polaire des jeux à l’allemande.
Et si encore il n’y avait que cela, mais certaines villes permettent de développer une capacité au lieu d’établir un comptoir, de sorte que l’on peut choisir de disposer de davantage d’actions à chaque tour, de pouvoir récupérer davantage de commerçants de la réserve, ou d’en poser plus depuis notre réserve personnelle sur les plateaux. Un dilemme qui n’en sera pas un au tout début des parties (disposer d’une action supplémentaire ou deux sera essentiel), mais le deviendra progressivement, particulièrement quand ces améliorations rapporteront des points de prestige aux joueurs contrôlant les villes associées…
Hansa Teutonica est ainsi un jeu surprenant : sa couverture et les 14+ arborés par la boîte laissent croire à un vrai jeu à l’allemande, fluide mais complexe et sec, quand son peu de matériel (les plateaux, les commerçants et quelques jetons Bonus, c’est tout !), ses trois-quatre pages de règles, la lisibilité de ses élégants et jolis plateaux centraux et son système mécanique lui donnent pratiquement l’allure d’un jeu familial. Et c’est une grande force justement que de proposer autant de tension et de choix techniques avec si peu, et sous une apparence aussi rassurante, pour un 10/12+ très malicieux.
Et sa Big Box est une excellente opportunité d’acquérir Hansa Teutonica avec deux petits modules et surtout ses deux extensions Ligue hanséatique orientale et Britannia, qui en fait d’extensions sont des jeux autonomes utilisant simplement les mêmes jetons, à la manière des Aventuriers du rail toujours.
Le changement de plateau suffit à faire perdre ses repères, en altérant complètement la désirabilité des routes et des villes, mais les deux plateaux apportent en outre leurs plus ou moins petites spécificités. Ligue hanséatique orientale est principalement là afin de poursuivre les logiques de Hansa Teutonica et renouveler légèrement le jeu pour ceux qui chercheraient des sensations à peine différentes, quand Britannia apporte avec sa distinction entre Angleterre, Pays de Galles et Écosse un enrichissement tactique considérable par rapport au jeu de base.
Après la Big Box d’Istanbul, celle de Hansa Teutonica est une nouvelle occasion d’apprécier un format qui sait ne pas trop en faire, et ne pas nous submerger sous un contenu gargantuesque dont on sait qu’on n’en sortira jamais la moitié, seulement là pour gonfler son prix. Au contraire, pour un prix nettement plus doux que celui des trois boîtes acquises séparément, il sait offrir ce qu’il faut pour être irrésistible, avec la certitude que l’on ne tardera pas à vouloir tout en savourer.
[Ce texte n'est que (!) la conclusion de l'article consacré à Hansa Teutonica : Big Box sur VonGuru. N'hésitez pas à vous y reporter pour une présentation plus détaillée et une argumentation plus développée : [https://vonguru.fr/2021/03/24/hansa-teutonica-big-box-loccasion-revee-dintegrer-la-ligue-hanseatique/ Bonne lecture](https://vonguru.fr/2021/03/24/hansa-teutonica-big-box-loccasion-revee-dintegrer-la-ligue-hanseatique/ Bonne lecture ) 🙂 ]