Hawaï ? J'avais suivi une partie à Cannes [cet avis date de 2012], qui m'avait laissé un mal de tête conséquent. Je lui aidonné une seconde chance hier, sans enthousiasme démesuré, mais sans trop de préjugés non plus. Pour voir.
Cette partie fut assez inintéressante au final, et il est peu probable que j'aille plus loin.
Dès le milieu de partie, lassé, je ne jouais plus qu'en pilote automatique. Sans doute qu'il y à là des
choses à découvrir si l'on creuse, mais je n'ai tout simplement pas l'envie ou le temps d'aller y voir. Il y
a tant de bons jeux que je ne vais pas me livrer à l'exercice masochiste qui consisterait à pratiquer
plus celui-ci pour en livrer une critique supposément objective. Je pense, en effet, avoir maintenant
un aperçu global, non pas de la qualité du jeu en lui-même, mais du plaisir ou, en l’occurrence,
déplaisir, que je pourrais en retirer. C'est suffisant.
Un peu plus tôt dans l'année, Grunt avait parfaitement résumé le problème. Il disait, avec des mots
mesurés, qu'Hawaï est certes bien fait, mais bien trop classique pour être vraiment émoustillant. Je
serais plus sévère que lui: oui, c'est un jeu intelligent, bien réglé, assez intéressant au fond, mais dans
lequel il difficile de voir autre chose qu'une production allemande -- où à l'allemande, puisque
l'auteur est américain -- qui se répète, s’essouffle et tourne en rond. Assez typique finalement d'une
saison 2011-2012 pas franchement excitante. Certes, c'est un peu abusif de parler de la sorte. D'une
part, car je suis loin d'avoir une vue globale du marché, d'autre part puisque certains auteurs
proposent encore des choses assez attrayantes (Feld, pour ne citer que lui). Mais c'est loin d'être le
cas ici. Ce système de points immédiats et différés, ces objectifs, ces tuiles bonus, cette double
monnaie, cette durée moyenne, cette interactivité liée aux places limitées, tout cela sent
franchement la redite, malgré quelques innovations en terme de contraintes.
Des jeux moyens ou se contentant paresseusement de singer une recette éprouvée, il en sort tous
les jours. Mais le problème est encore renforcé ici par deux éléments auxquels je suis sensible: le
thème et le décorum. Et comment tous deux viennent habiller la mécanique ou, parfois, faire défaut,
souligner des incohérences. Inutile de préciser que le thème, comme souvent dans ce genre de jeu,
est ici complètement accessoire. Parfois l'on s'en accommode, parfois non. Parfois, cela fonctionne,
parfois pas. Là, en l’occurrence, cela devient vraiment pénible. Peut-être est-ce du au fait que le
potentiel contenu dans le titre, n'est vraiment pas exploité à sa juste mesure. On aurait pu se trouver
au Groenland et collectionner les pingouins, ou dans la Ruhr et compter les stocks d'acier, cela aurait
été pareil. Rien ne vient souligner le fait que l'on se trouve dans une île paradisiaque. (Vanuatu, au
moins sur ce plan là, s'avère largement plus réussi...)
De plus, alors qu'il aurait pu donner l'occasion à l'illustrateur de trousser un plateau agréable, coloré,
nous sommes mis en présence d'un fond vert vraiment moche que ne viennent pas aérer des objets
aux couleurs assez ternes et difficiles à distinguer. A cela s'ajoute un plateau-puzzle biscornu,
informe, et des plateaux individuels pas très élégants. Tout cela n'est vraiment pas séduisant, voire
même plutôt pénible. Plus moche encore, c'est un comble, que Les châteaux de Bourgogne qui, eux,
ont au moins l'avantage d'être mécaniquement jolis. On en vient à se demander ce qu'aurait pu faire
un Menzel de tout ça. Faute de thème et de distraction visuelle, on en est réduits à n'observer que le
squelette: cette mécanique peu attrayante, sans véritable singularité, et dont on se lasse vite. C'est
pauvre. Tout cela laisse au final l'impression d'un assemblage assez artificiel et vain.
On a connu les équipes de Filosofia beaucoup plus inspirées dans leurs choix. Ont-elles perdu de leur
flair ? Étaient-ils trop accaparés par leurs projets d’absorptions multinationales ? Peut-être se sontils engagés contractuellement à publier tous les Hams im Glück qui sortent, les bons comme les
mauvais ? Je ne sais. On peut dire ce qu'on voudra de cet éditeur, mais quand on regarde leur
catalogue dans son ensemble, on ne manque pas d'être impressionné par sa qualité globale, et le
fait que les titres dispensables y sont rares. En voilà un, pourtant. Ils ont sans doute tapé plus juste
cette année avec Goa, ou même, dans un tout autre genre, Uluru. Hawaï est clairement, à mon sens
en tout cas, un opus mineur qui ne connaîtra pas la belle destinée de l'Age de Pierre. Mais peut-être
que je fais fausse route et que ce type de jeu a son public... Peut-être que loin d'être une impasse, ou
un échec, il constitue au contraire un choix très avisé et que cet avis n'est que le signe du fait que je
m'éloigne peu à peu de ce type de jeu. Il a fait la couverture de Spielbox, après tout, et il a de bonnes
notations ici et là... L'avenir le dira. Si on nous sort une extension façon troc et breloques, je saurais.
Avis originellement publié en 2012, sur le site Ludigaume, avant la montée des eaux