History of the World est un jeu de conquêtes, et, comme son nom l'indique, on va revivre l'histoire (militaire) du monde, de l'Antiquité au colonialisme. Ancêtre de Vinci, on retrouve donc dans ce jeu le système de civilisations renouvelées. Là où dans Vinci, le changement de civilisation est une caractéritique stratégique essentielle, ici, le changement est imposé à chaque tour : on joue tout d'abord une civilisation de l'Antiquité, puis une autre un peu plus récente, jusqu'à incarner un Empire Colonial au dernier tour.
Cependant, cela signifie qu'à chaque tour, il convient de recommencer à zéro, avec un nouvel équipement en hommes. Comme à Vinci, il n'y a pas de gestion, pas de stratégie à long terme. On débarque, on s'étend pendant son tour de jeu en une fois, puis on croise les doigts pour que sa civilisation reste en jeu le plus longtemps possible. Obtenir une civilisation dans la même zone géographique au tour suivant aide d'ailleurs beaucoup à ce titre.
A son tour, les choix à faire ne sont pas particulièrement difficiles, sans être franchement triviaux non plus : on contourne les montagnes, on vise à être présent dans chaque région ou à s'assurer la majorité de présence dans une autre. Lors des premiers tours, les civilisations sont équilibrées et peu puissantes, ce qui permet de se familiariser avec les mécanismes. On lance des pelletées de dés, mais on n'est rarement totalement à la merci d'un lancer précis : si on rate son coup, on perd quelques, armées et on recommence. Au final, la loi des grands nombres fait qu'on finit par s'y retrouver.
On commence le jeu avec une réserve de "cartes évènement". Là aussi, elles sont plutôt déséquilibrées, mais ça fait partie du jeu. La plupart des cartes ne peuvent être jouées qu'à des époques précises, et on ne peut jouer qu'un nombre limité de cartes à chaque époque, il n'est donc pas très difficile de choisir à quelle époque on doit jouer telle ou telle carte, d'autant qu'il est évident qu'il vaut mieux jouer ses cartes le plus tard possible pour avoir un meilleur impact sur le score final.
Le jeu est donc relancé à chaque tour, les différentes civilisations étant volontairement extrêmement déséquilibrées, ce qui permet d'agréables (ou frustrants) retournements de situation. Un joueur récupérant l'Empire Romain en début de partie ou l'Angleterre au dernier tour prend une excellente option pour la victoire, alors que recevoir les Khmers ou les Mayas revient plus ou moins à passer son tour. Le problème, c'est qu'une fois qu'on a joué son tour, on ne peut pas savoir de quelle civilisation on écopera au tour suivant. Outre l'impossibilité de planifier sa stratégie, ça signifie aussi qu'on n'a strictement rien à faire jusqu'à la prochaine redistribution des rôles, si ce n'est commenter l'évolution dans le jeu d'une civilisation par rapport à la réalité historique, pour peu qu'on ait la culture adéquate. Cela passionnera sûrement un grand nombre de joueurs, prompts à étaler leur confiture. Cela lassera tout autant un autre grand nombre, dont moi, et ceux là s'ennuieront ferme pendant le tour des autres joueurs. L'absence de vues à long terme réduit aussi dramatiquement la dimension diplomatique du jeu, même s'il est souvent possible de choisir sur la civilisation de quel joueur empiéter pour se développer. Au final, on essaie surtout de gêner les joueurs qui mènent au score (les points de victoire sont visibles), d'où de désagréables effets de "bash the leader" ou de "kingmaking".
Le mécanisme de distribution des civilisations à chaque tour est assez original, et me fait penser à certains petits jeux de cartes comme Nicht die Bohne. C'est pas mal trouvé, mais peut provoquer de gros coups de bol. Si on récupère l'Empire Romain, et une nation voisine juste au tour d'après, c'est la victoire assurée ou presque, stratégie ou pas. On peut d'ailleurs aussi retrouver ces "sensations" concentrées dans les petits jeux de cartes de vingt minutes, souvent bien plus interactifs et méchants qu'History of the World...
La durée de la partie est presque correcte pour un jeu de ce calibre. Compter 4 heures à six joueurs si une majorité connait déjà le jeu.
Au final, je suis circonspect. Le plaisir de revivre l'histoire du Monde ne prend que lors des toutes premières parties (et encore, il ne faut pas avoir abusé des jeux de civilisation auparavant), mais le jeu est stratégiquement trop limité en regard de la durée de la partie et surtout de l'attente entre les tours, ce qui fait qu'il aura vite tendance à prendre la poussière au fond de l'armoire.