Imperial est le deuxième jeu de Mac Gerts, après Antike, à exploiter la « roue d'actions », invention assez géniale pour le coup : conceptuellement très simple, elle parvient à la fois à instaurer un timing au jeu et à limiter la liberté d'action des joueurs, et ainsi limiter les temps de réflexion pour aboutir à des jeux très fluides. Gerts a par la suite surexploité sa « roue » jusqu'à l'écœurement (moi, j'ai décroché dès Hamburgum)… Il faut dire qu'elle a lui a permis de concevoir un jeu « de civilisation », et un jeu « de diplomatie » d'une fluidité inégalée dans des genres qui ont toujours été séduisants, mais qui ont toujours abouti à des monstres ludiques à la limite de l'injouabilité. Appliquée aux eurogames plus modernes, elle n'a permis qu'à rendre plus mécaniques encore des jeux qui n'en avaient nullement besoin. Mais revenons à Imperial.
Croisement improbable entre Diplomatie, 1829 et Antike (donc), Imperial parvient à restaurer une bonne partie du feeling de chacun de ces trois jeux, alors même que deux d'entre eux sont de véritables monstres nécessitant au moins 6 heures de concentration intense pour être joués. Je serais curieux de connaitre un peu l'histoire de la conception de ce jeu : finalement, c'est un peu Antike (avec un matériel encore plus austère, soit dit en passant), joué sur la carte de Diplomatie (l'Europe du début du XXe siècle), où les différentes ressources et les développements auraient été remplacés par un système de bourse à la 1829. Et si cette greffe prend admirablement bien, on est en droit de se demander si elle est plus le fruit du hasard, du coup de génie, ou de plusieurs années de conception et développement. Enfin, bref.
Parce que finalement, en tant que joueur, j'ai rarement rencontré un jeu aussi frustrant qu'Imperial : a priori calculatoire, stratégique et sans hasard, le fait que les nations puissent changer de main à tout moment est extrêmement déstabilisant et incite énormément à jouer au maximum à court-terme. Pourtant, très vite (quelques tours de roue, disons au premier tiers du temps de jeu), on est en mesure de repérer quelles nations sont vouées à l'échec, et lesquelles seront en mesure de se développer. Et là, c'est trop tard : les joueurs majoritaires s'accrochent, à raison, à leurs nations comme des berniques sur leur rocher, pendant que les joueurs à la traine, disposant souvent de deux fois moins d'actions ET d'argent que les autres, ne peuvent que limiter la casse en attendant l'inéluctable, finalement plus portés par le jeu que l'inverse. Au final, le jeu est tellement difficile à maitriser que le plaisir disparait.