"Look at this. It’s worthless – ten dollars from a vendor in the street. But I take it, I bury it in the sand for a thousand years, it becomes priceless. Like the Ark."
René Bellocq à Indianna Jones, "Les aventuriers de l'Arche perdue", S. Spielberg 1981
L’archéologie est un thème qui a inspiré quelques auteurs de jeux et le Tikal de W. Kramer est vraisemblablement celui qui a rencontré le plus grand succès. Pourtant, le jeu le plus proche de ce thème passionnant est selon moi Jenseits von Theben. Sortie en 2007 chez Queen games après une première édition très confidentielle quelques années auparavant, puis devenue Thèbes pour la version française, cette création de Peter Prinz propose des mécanismes simples, originaux et ludiques pour simuler la compétition entre les archéologues du début du XXIème siècle, prêts à tout pour entrer dans l’histoire de leur discipline.
Des fouilles, ça se prépare. Comme dans la réalité, on ne va pas à l’aventure donner des coups de pioches n’importe où. Un futur chantier archéologique, ça se réfléchis et pour cela, il faut effectuer un travail de recherche sur les archives disponibles dans des musées ou des bibliothèques un peu partout en Europe, limite géographique fixée par le jeu qui se déroule entre 1901 et 1903. Un archéologue, c’est aussi quelqu’un qui enseigne et qui donne des conférences pour faire connaître son travail et l’état de ses recherches. Il doit savoir aussi s’entourer d’une équipe, rassembler le matériel nécessaire, s’appuyer sur des renseignements précieux obtenu grâce à des confidences d’autochtones… et parfois faire face à la concurrence. Et bien tout cela, Thèbes le simule simplement et efficacement tout en respectant le thème. Une figurine en bois représente votre archéologue et vous aller le promener dans les grandes capitales à la recherche d’ouvrages pour approfondir ses connaissances, mais aussi trouver des moyens matériels pour partir et travailler sur les sites. Techniquement, vous allez collectionner des cartes disponibles dans les villes que vous visitez, sachant que l’opportunisme sera le mot d’ordre : passer et prendre ce qui vous intéresse… avant les autres. Vous allez récupérer notamment des informations, des assistants et des pelles (représentant les moyens techniques) et quand vous sentez que c’est le moment, zou ! Direction la Grèce, l’Egypte ou la Mésopotamie.
Le grand apport de Thèbes est ce système simple et génial de temps dépensé, découpé en semaines, pour chacune de vos actions. Il fixe en plus l’ordre du tour puisque c’est toujours au dernier sur la piste de temps à jouer. Le jeu gagne ainsi une dynamique toute particulière. Martin Wallace s’en est inspiré plus tard pour Tinners' Trail (il le rappelle dans des commentaires en fin de règles) et plus récemment pour AuZtralia. On retrouve aussi ce mécanisme dans Olympos de Philippe Keyaerts édité par Ystari.Une autre idée forte, toujours thématique et ludique, est celle qui consiste à simuler la fouille pour trouver de précieux artefacts. Parce que vous allez vraiment fouiller… dans un sac. Chaque site dispose d’une poche en tissu (illustrée par son motif et à sa couleur) dans laquelle sont placés des jetons cartonnés représentant différents objets (réellement retrouvés), qui témoignent de la grandeur des civilisations disparues. D’autres jetons, un peu plus nombreux, représentent… du sable.
Et oui, on cherche, mais on ne trouve pas toujours. Et combien de jetons allez-vous piocher ? Et bien ça dépend justement de votre travail de préparation : si votre archéologue a lu plein de livres sur l’endroit, pris des infos auprès des gens du coin, s’il a de nombreux assistants et assez de matériels, vous allez pouvoir piocher un nombre de jetons qui dépendra aussi du temps (en semaine) que vous voulez y consacrer. Tous ces paramètres sont rentrés d’une manière très simple sur un élégant "chronotemps" qui vous indiquera à combien de jeton pioché vous avez droit.
E-pa-tant ! Douze ans après, j’en reste encore scotché tellement c’est élégant, cohérent… et rigolo. Je me souviens d’une partie où à chaque jeton sable retiré par un joueur, nous faisions une petite "ola" pour fêter cela. Et comme le jeu est méchant, la fouille terminée, on rebouche derrière en remettant les sables piochés dans le sac, histoire de "faciliter" le boulot d'un autre joueur qui viendrait fouiller au même endroit.
Il y a d'autres aspects dont je vous parle pas mais vous l'aurez compris, j'ai beaucoup d'estime pour ce jeu qui a eu un certain succès. Comme d'habitude avec Queen games, le matériel est impeccable et je ne me souviens pas de règles (vf) étranges (pour une fois). En revanche, il est pas facile d'identifier la cible d'un tel jeu en terme de public (c'est bien un Queen games quoi...). Des gamers orientés gestion vont le trouver trop hasardeux ou opportuniste et familial, d'autres vont le juger un peu trop complexe ou long pour les joueurs occasionnels. En ce qui me concerne, je le trouve plus lourd en règles qu'un Kingdom Builder, mais un peu plus léger qu'un Fresco. Il y a du hasard certes, mais parfaitement thématique et que les joueurs peuvent limiter (une partie des actions est destinée à cela).
Encore aujourd'hui, Jenseits von Theben reste dans mon top 5 des Queen Games, avec Shogun, Lancaster, Fresco et Kingdom Builder.
"All your life has been spent in pursuit of archaeological relics. Inside the Ark are treasures beyond your wildest aspirations. You want to see it opened as well as I. Indiana, we are simply passing through History. This, this is History".
René Bellocq à Indianna Jones, "Les aventuriers de l'Arche perdue", S.Spielberg 1981