Testé 3 fois en soirée avec ma copine, ce jeu nous a été prêté par le gérant d'un magasin pour savoir si il devait ou non le commander.
Pour ceux qui veulent la version courte, voici :
Points positifs : Un thème plutôt accrocheur et du matériel d'une qualité satisfaisante (bien qu'un peu fragile à l'assemblage) et des illustrations bien vues, un gameplay simple permettant à tout le monde de jouer rapidement les deux rôles, une mécanique intéressante.
Points négatifs : ce jeu est complètement déséquilibré. Il n'y a pour ainsi dire presque aucune chance de victoire pour le roi, si ce n'est par la chance pure, ou si le joueur assassin est un gosse de 5 ans, et encore. Le prix indiqué me semble également un poil excessif compte tenu du matériel dans la boîte (du carton, des cartes et des plots en plastique).
Dans le détail, ça donne ça :
Au départ, le jeu paraît équilibré : un roi défendu par 5 gardes plus 2 en réserve au château, douze villageois en colère dont trois seulement sont de vrais assassins, la possibilité pour chacun d'avancer librement sur le plateau avec un avantage de déplacement pour les gardes qui peuvent non seulement se déplacer plus mais aussi repousser les villageois bloquant le passage, et enfin un roi au déplacement limité à un ou deux par tour.
Premier problème, les objectifs précisent que chaque joueur a deux conditions de victoire. Le roi doit rejoindre le château ou arrêter les assassins. L'assassin doit tuer le roi. Mais voilà, si on atteint la fin de la pioche et que le roi n'est pas rentré dans le château, quelle que soit sa proximité d'avec ce dernier, c'est l'assassin qui gagne.
Avec cette dernière règle, il est possible pour l'assassin de gagner de quatre façons différentes :
\_Planifier dès le départ une attaque frontale pour tuer le roi, plus risquée mais plus rapide.
\_Bloquer le roi suffisamment longtemps pour qu'il ne parvienne pas à rentrer : s'il se retrouve à l'arrêt plus de trois fois dans la partie, le roi est quasi-assuré de ne pas pouvoir rentrer au château. Sachant que les gardes ne peuvent pas pousser les villageois au delà d'un toit ou d'un mur, et que le roi ne peut pas grimper sur le toits, une stratégie pour l'assassin consiste à masser la populace dans un angle, cinq ou six pour le mieux, en se servant de ceux repoussés par les gardes et de ceux déjà présents là au départ. Le roi en est alors réduit à devoir attendre de pouvoir emprisonner un par un les badauds indisciplinés jusqu'à creuser un passage convenable, sachant que chaque tour à l'arrêt est un pas de plus vers la défaite et un avantage considérable pour un assassinat. Une fois libéré un passage, il est de toute façon forcé de se mettre ouvertement en danger. Une parade possible consiste à faire de l'emprisonnement préventif, mais celui-ci se fait en général au détriment de l'avancée du roi et de sa garde.
\_Forcer le roi à se mettre en danger : s'il veut arriver dans les temps au château, le roi DOIT avancer. Compte tenu de la rapidité des assassins révélés, la zone de vulnérabilité du roi peut couvrir un bon quart du plateau. Se mettre à l'abris d'un assassin présumé devient alors une sorte d'épreuve de force : vous ne pourrez jamais défendre tous les côtés du roi, même à côté d'un mur. Comme abattre un seul garde ne demande qu'un point d'action à l'assassin, il lui est assez facile d'atteindre le roi en sautant d'un toit et en tuant un garde au passage.
\_Dégarnir la défense du roi : sachant qu'il y a trois assassins cachés et que le roi ne dispose en fait que de cinq gardes à ses côtés, les deux derniers ne pouvant rejoindre le convoi qu'en milieu voire fin de partie, on remarque assez vite qu'une attaque sur le convoi royal déstabilise suffisamment la défense pour augmenter significativement les chances de succès de l'attaque suivante, tout en retardant le convoi. Dans le pire des cas, au lieu de viser le roi, l'assassin peut encore éliminer deux gardes en un seul coup (trois points d'action), ce qui lui assure une réussite quasi-automatique des prochaines attaques. Une stratégie similaire consiste à éliminer les gardes isolés avec un assassin. Celui-ci, une fois révélé, va constituer un énorme problème pour le roi.
De son côté, le roi a le choix entre foncer au château ou arrêter les assassins. Mais bien sûr, il ne peut pas arrêter tout le monde, et si le temps lui manque, le dernier assassin aura tôt fait de s'enfuir ou à défaut, de se fondre dans la masse là où on ne le trouvera pas. Même révélé, tuer un assassin en fuite peut s'avérer une vraie gageure selon les cartes. Donc, si le roi ne gagne pas en rentrant au château, l'arrestation des trois assassins ne pourra se faire que sur un bien curieux concours de circonstances.
On en est donc à quatre stratégies possibles pour l'assassin contre une "et demi" pour le roi. Vous comprenez mieux ?
A cela viennent s'ajouter quelques petits détails qui finissent de donner l'avantage à l'assassin :
\_Le convoi du roi est très peu mobile du fait de son nombre et de son obligation de rester toujours groupé. Du point de vue de la mobilité, c'est donc l'assassin qui prend l'avantage. Le roi peut même se retrouver occasionnellement dans l'incapacité d'éliminer un assassin révélé (exemple : assassin utilisé pour tuer les deux gardes en faction au château), ce qui représente alors une remarquable épine dans son pied.
\_La capacité d'emprisonner les villageois est soumise à deux conditions :
il doit être permis par la carte des déplacements (environ une fois sur deux), ce qui veut dire que vous pouvez repérer ouvertement un assassin dissimulé suite à un déplacement suspect et être néanmoins dans la totale incapacité de l'arrêter à temps,
et
il doit y avoir un garde adjacent à la personne à enfermer, ce qui veut dire que si votre "suspect" n'est pas adjacent, il faut encore dépenser des points d'action pour déplacer un garde à côté, l'enlevant alors probablement à la garde rapprochée du roi. Problématique quand l'ennemi approche "par derrière". De plus, emprisonner un villageois coûte un point d'action, ce qui rend l'emprisonnement généralement très coûteux pour le roi, même s'il est souvent nécessaire comme on a pu l'entrevoir précédemment.
Pourtant, ce jeu a à l'origine de quoi séduire, avec un système de jeu intéressant. Bien que je ne sois pas fan du fait qu'il faille "tuer" l'autre, le thème est assez concret et peut faire écho à bon nombre de situations historiques (oui, les régicides publics, on en trouve à la pelle). Bref, un jeu amusant dans un premier temps et qui amène à réfléchir dans un second.
Plusieurs modifications peuvent être faites dans les règles pour redonner sa chance au roi. Cependant, je ne pense pas qu'aucune de ces solutions soit idéale :
\_Rendre le tirage des cartes assassin aléatoire : l'assassin doit alors établir une stratégie nouvelle en tout début de partie selon la disposition de ses assassins. Rajoute de l'aléatoire au jeu, donc moins de contrôle
\_Rajouter un garde au convoi : rajoute des possibilités de disposition de défense mais ralentit encore le déplacement du convoi
\_Autoriser les gardes à déplacer les villageois sur les côtés et non plus seulement en ligne droite : avantage significativement le roi, peut-être trop
\_Autoriser le roi à conserver les "menottes" non utilisées, mais une seule à la fois : améliore les chances du roi et donne une part supplémentaire de stratégie à la gestion des arrestations, mais reste aléatoire et réduit les possibilités de l'assassin.
\_Faire payer 1 action la révélation des assassins : réduit la zone de vulnérabilité du roi, mais complique fortement la tâche des assassins
\_Autoriser le roi à échanger gratuitement à la fin de son tour un emprisonnement non utilisé contre une information sur l'identité d'un badaud n'importe où sur la carte / contre piocher une carte parmi celles des non-assassins : ne change pas radicalement la situation sur le plateau et permet un changement de stratégie du roi mais change la nature du jeu.