Les jeux de déduction n'ont jamais été ma tasse de thé. Avant même de commencer à jouer, *La Bête du Gévaudan* partait donc avec un handicap très net. Pourtant le jeu avait quelques arguments à faire valoir, notamment un thème un peu moins lisse que celui de *Scotland Yard* et qui colle plutôt bien au genre : la course-poursuite. Mais, à l'ouverture de la boîte, le songe d'une traque effrénée à travers les taillis et les collines sauvages du Gévaudan au XVIIIème siècle s'évanouit.
Il ne faut pas se le cacher : *La Bête du Gévaudan* est avant tout une publicité pour la Lozère, le département ayant visiblement financé l'édition du jeu. Le plateau, laid, abstrait et illisible, évoque une carte pour randonneurs. Dans le livret de règles, on trouve plans d'accès depuis Paris, évocation du patrimoine local, etc. Bref, on croit avoir sous les yeux un document sorti de l'Office du tourisme de Mende.
Effroyablement kitsch, le matos finit d'enterrer l'imaginaire du jeu. Le masque que le pauvre joueur incarnant la bête est censé porter est parfaitement ridicule – rien ne laisse supposer le moindre second degré. Les illustrations des pions sont d'un autre âge. Et finalement, le thème, qui aurait pu faire son effet, apparaît ici aussi ringard que franchouillard.
Mais peut-être reste t-il à la création de Noël Minneboo et de Pascal Chinchilla une mécanique originale et bien huilée ? Là non plus, il ne faut pas se le cacher : *La Bête du Gévaudan* n'est qu'un remake campagnard de *Scotland Yard*. Il en possède les qualités et surtout les défauts, notamment une certaine pauvreté. En effet, en une partie, on en a fait le tour. Le jeu étant essentiellement tactique, il y a très peu de stratégies. Ainsi ça devient très vite répétitif. De plus, il manque de rythme, de vie, stérilisé par son côté très cérébral qui le rend aussi amusant qu'un examen de logique...
Un ajout néanmoins : la possibilité pour la Bête de dévorer ses poursuivants. Cela aurait pu marcher, si les règles n'étaient pas si bâclées et l'ensemble si peu testé. On a vraiment l'impression d'avoir affaire à un « produit » inachevé, encore en cours d'élaboration, et qui de toutes façons vise moins le plaisir ludique que la découverte des charmes de la Lozère.