J'avais ce jeu dans ma ludothèque depuis quelques années, sans avoir jamais franchi le pas d'une partie... je sentais pas le truc : règles simplistes, partis politiques réalistes, abondance de débats sur des sujets de société.. je voyais pas comment vendre le truc à des amis joueurs, sans leur donner l'impression d'un mauvais débat politique à la télé.. avec en plus le sujet casse gueule par excellence de la confrontation d'idées politiques entre amis.
Et puis, profitant de cet entre-deux tours (2022), avant-veille du 2nd tour, je me suis dit que c'était l'occasion ou jamais de donner sa chance à ce jeu, histoire de voir.
Je convaincs 5 copains de tenter l'expérience : au pire, la durée de partie annoncée est de 45 minutes, on se consolera avec d'autres jeux.
Et là, la très bonne surprise : on a beaucoup ri, on s'est pris au jeu du roleplay, et on a vécu au final une très sympathique partie, tout autant que dynamique.
Alors pourquoi ?
D'abord parce que les partis sont distribués au hasard, et qu'on a donc de bonnes chances d'hériter d'un parti différent, voire aux antipodes de ses opinions persos. Déjà, cela impose une bonne prise de distance.
Ensuite, parce que la dynamique des débats, en apparence simpliste, est en réalité très futée : on tire la carte débat, on regarde les idées qu'on a en main (en nombre très limité, pas forcément en liaison avec le thème du débat), on en sélectionne une, et on choisit un contradicteur, qui fait de même à son tour.
Un troisième larron fait le journaliste, en jonglant avec les prises de paroles, et c'est parti pour de grands moments de fun. Chaque intervenant n'a qu'une minute de parole, ce qui est subliminal : dans cette durée, pas question de développer un truc construit et savamment argumenté. On doit obligatoirement placer son slogan de parti et son idée à défendre (possiblement très éloignée du sujet), donc on ne fait pas trop de fioritures. On peut s'interrompre, s'interpeller, les autres joueurs se mêlent à l'invective, bref, ce sont les grands moments du jeu. De l'art, à partir de sujets de société en apparence sérieux, de partir dans des grands éclats de rires. Bien sûr, c'est beaucoup mieux si chaque joueur (y compris le journaliste) se glisse réellement dans une interprétation, mais pas de pb pour les timides ou ceux qui seraient mal à l'aise avec ce genre d'exercice : sa durée et ses figures imposées limitent considérablement les dérapages. Et puis on vote pour le gagnant du débat : et c'est là que la mécanique prend toute sa saveur. Parce qu'en réalité, on va rarement voter pour le plus convaincant (à part peut-être à l'issue du débat de 2nd tour entre les finalistes), on va plutôt voter pour celui qui ne va pas progresser trop vite ou trop loin sur le tapis rouge, et surtout, on va avoir envie de voter pour celui qui a peut-être défendu une idée à nous dans le débat. Car chaque débatteur, obligé de choisir une idée parmi les trois qu'il a en main, n'aura peut-être pas le choix que de pousser une idée originaire d'un autre parti politique que le sien. Et dans ce cas, s'il gagne le débat, il fait aussi progresser le parti dont il a piqué l'idée... du coup, quand on est débatteur, on s'efforce, dans sa petite minute de parole, de faire croire à certains joueurs qu'on promeut l'une de leurs idées, pour se rallier leurs votes... bref, c'est très malin, et ça garantit beaucoup de surprises et de retournements de situations.
Le reste du jeu, ce sont essentiellement des cartes événements (cartes Coulisses) qu'on tire et dont on applique mécaniquement les effets. Elles sont suffisamment drôles pour pimenter la partie, mais ne contiennent aucune dimension stratégique, ce sont de purs coups d'opportunité qui ont parfois valeur de véritables game-changers.
Du coup, on se console de ne pas en tirer beaucoup dans la partie, l'essentiel étant consacré aux débats entre joueurs.
A l'arrivée, comme l'a indiqué un autre avis, le fait de gagner devient très secondaire, même si peu de jeu permettent au vainqueur de devenir Président, ce qui claque quand même, il faut bien l'admettre.
Alors pour finir, partant d'un jeu que j'étais réticent à sortir, je pense honnête d'avouer que le jeu remplit parfaitement son rôle : une sorte de party-game électoral, parfait pour une partie tous les 5 ans, ou plus pour les plus mordus de politique déconnade.