Ce n'est pas du tout un jeu dans lequel on se lance et ça roule direct, j'ai d'ailleurs mis très longtemps à juste en comprendre la règle. Il n'y a pas à proprement parler de grave erreur, mais des formulations qui prêtent à confusion, comme souvent lorsque le traducteur n'essaie pas le jeu. C'est à se demander si ce n'est pas fait exprès, comme un énigme de la renaissance, et j'en était même venu à l’appeler "da colovini code".
Il faut dire que ce sont des règles plutôt atypiques, contre intuituves, et votre bon sens ne vous servira pas à grand chose pour les décrypter. De ce fait, énormément de gens possèdent ce jeu sans jamais y avoir joué, puis ils le revendent pour une poignée d'euros (et c'est bien sûr là qu'il croise ma route).
Si vous avez l'esprit purement logique, vous n'aurez pas ce souci avec cette règle, mais moi j'ai été littéralement obligé de la réécrire entièrement en donnant le sens de chaque action absconse. Ce qui est le plus difficile à comprendre au début c'est que l'on n'est pas vraiment bloqué par le choix de la province d'origine. En effet, on a autant d'actions qu'on le désire, du moment que l'argent le permet, et surtout les jetons placé en cours de tour sur une nouvelle action sont immédiatement utilisables, ce qui ouvre la voie à des réactions en chaîne intéressantes: on doit juste se demander si à tel stade de la partie, on a d'avantage besoin de sous ou de PV. Ce mécanisme de dominos est largement éludé par la règle alors que c'est ce qui permet au jeu d'exister, sans quoi on pourrait le penser complètement pipé par cette mise en place initiale.
Un assez bon jeu se cache donc derrière cette notice de pur traducteur, mais pour y accéder il faudra expliquer longuement à vos joueurs, avant même la mise en place, la bonne façon de mener son tour avec ces actions en cascades. Après cette mise au point importante, on découvre un jeu de placement épuré et original qui a pour gros avantage de montrer clairement l'état de la partie en un clin d'oeil (à part ce qui se trouve dans les mains des joueurs). Dernier point à arranger pour le jouer correctement: le score, qui n'est pas une somme de points marqués mais une sorte d'estimation de patrimoine comme dans Hazienda, n'est pas forcément facile compter et contrairement à Hazienda il faut le faire A TOUS VOS TOURS!
(Petit aparté, je sais que beaucoup de gens n'ont pas compris la règle de Hazienda et ajoutent deux fois les points pendant la partie, ce qui n'a aucun sens car c'est vraiment d'une estimation de patrimoine qu'il s'agit, et s'il est suggéré de la compter deux fois c'est à titre indicatif pour les joueurs sachent ce qui se passe, d'ailleurs Kramer propose aussi une version où l'on compterait à tous les tours comme ici)
Bien compter le score donne d'ailleurs des idées de stratégies plus rentables. Par exemple si vous transformez trois pions mouvement en un jeton influence vous ne gagnez qu'un point de plus (les pions disparaissent en créant le jeton), mais parvenir à placer un jeton dans une colonie donne 5 points sans perte. Donc prévoir en début de partie, en plus du gros topo sur les différentes couleurs de cartes, un point score assez poussé! Et après, oui... je vous assure qu'on s'y amuse bien à ce jeu! Le moteur aux multiples sources de PV est efficace mais assez froid, tandis que la nécessité de recourir aux enchères (provoquée par la pénurie simultanée d'actions et d'argent) apporte une tension bienvenue qui nous réchauffe la partie.