La grosse boite familiale est un type de jeu que j’affectionne particulièrement mais qui se fait trop rare de nos jours. Avant de melancer dans un plaidoyer pour ce genre à part entière (il faut que je mette la main sur 2/3 jeux pour étayer mon billet), je voulais mettre un coup de projecteur sur Luxor, l’un de ses dignes représentants.
Nous voilà donc avec une belle boite carrée, bien lourde, remplie d’éléments cartonnés dont Queen Games s’est fait une spécialité. Dennis Lohausen nous propose comme toujours une ambiance chaleureuse qui invite au plaisir ludique. Pas de surprise, nous sommes en terrain connu à défaut de sortir des sentiers battus. Pas trésor-iginal me direz-vous, penchons-nous donc sur le sujet !
Derrière Luxor, on retrouve surtout le travail de Rudiger Dorn. Luxor est souvent représenté, à tort, comme un simple roll and move avec un petit twist dans la main de cartes.
Le cœur du jeu réside dans la gestion du timing, qui est décliné par différents éléments du jeu.
Avec une fin de partie déclenchée par l’arrivée d’un deuxième explorateur dans la chambre aux trésors, les joueurs vont avoir la possibilité de moduler la durée d’une partie en fonction de leur intérêt.
L’avancée dans la pyramide va également conditionner la gestion de notre pool d’explorateurs afin de débloquer les 3 meeples placés tout au long du parcours en début de partie.
Ces deux paramètres vont être à la source d’une foule de micro-choix à faire non seulement en fonction de notre main et de notre position mais aussi en fonction des choix adverses. On se retrouve donc à évaluer rapidement et activement la position des adversaires, ce qui assure l’implication de tous tout au long de la partie.
Partir en trombe nous permet de libérer nos autres explorateurs, de récupérer les trésors de plus faible valeur et de prétendre au gros bonus de la chambre de trésors. Plutôt attractif n’est-ce pas ? En défrichant le terrain, vous libérez non seulement des espaces sur le plateau qui permettront aux adversaires d’avancer plus vite en deuxième partie de jeu mais aussi des petits bonus qu’ils pourront collecter sans effort derrière vous. Vous manquerez également de flexibilité dans vos choix pour avancer vos autres explorateurs de concert et récupérer les trésors les plus précieux.
C’est un peu le syndrome de l’échappée cycliste: risque de prendre le vent de face en fin de partie, de voir le peloton fondre sur vous grâce une meilleure gestion collective de l’effort, ou de prendre le risque de mettre ses propres coéquipiers hors délais avec ces foutues cases à zéro point.
Et quid de la main de cartes ? Il y a une part d’aléa non négligeable dans Luxor. On peut planifier 2/3 coups à l’avance, mais tout cela reste dépendant des actions adverses. Il faut à la fois sentir le jeu, accepter la prise de risque et s’adapter à un tableau qui évolue en permanence. On s’excite à l’idée de planifier la pose de 3 cartes à la suite (en partant de la gauche ou de la droite), tout en sachant que la carte du milieu ne viendra que 3 actions plus tard et que beaucoup de choses pourront changer d’ici là. La surprise participe à l’ambiance de la table et c’est toujours un point positif pour nous !
Le hasard sera plus visible si on pioche la 5ème carte face cachée à chaque tour, ce qui pourra limiter grandement nos options. Les joueurs auront néanmoins l’option de piocher des cartes Horus plus puissantes plutôt que de ramasser un trésor en allant se poser sur des cases jaunes.
Le jeu à 4 joueurs se révèlera donc un poil plus chaotique et le jeu à 2 un poil moins fun et un peu plus calculatoire. Le jeu brille dans une configuration à 3 joueurs même si on y joue avec plaisir de 2 à 4 joueurs.
A 4 joueurs je conseille d’ajouter des éléments de l’extension tels les artefacts révélés sous les trésors et l’équipement, qui élargit le champ des possibilités dans la gestion des cartes. Avec surtout la gestion du 0, en poil à gratter, qui ne nous fait pas avancer mais qui nous permet de bénéficier d’un bonus révélé après l’obtention d’un trésor.
L’extension propose aussi le materiel pour un 5ème joueur. Même avec les équipements, je trouve que le jeu perd en dynamisme et donc en intérêt à 5 joueurs. Préférez un Jamaica ou un Aventuriers du Rail dans cette configuration, ou un jeu à action simultanée comme Medieval Academy.
Les Queenies ne m’apparaissent pas comme essentiels. Ils n’ajoutent que des éléments de variabilité dans un jeu, et c’est vraiment sa grande force, qui n’en manque pas malgré son apparente simplicité. C’est la marque du talent de l’auteur, Rudiger Dorn.
Un 10 et une nomination au Spiel pas volés dans la catégorie !
Si vous aimez donc les grosses boites à jouer en famille ou entre amis pour des parties de 45/60 minutes, et que l’opportunisme et la surprise ne prennent pas le pas sur le fun pour vous, foncez !