Le nombre 13 porterait-il vraiment malheur ? La question me fait sourire, mais l'exemple du Macao de Stefan Feld, jeu qui porte le n°13 dans la collection des grandes boites Alea, aurait de quoi me faire douter...
Pour commencer, Macao est sorti presque en catimini entre deux jeux à succès du même éditeur (et du même auteur), à savoir Im Jahre des Drachen et Die Burgen von Burgund. Le premier fut traduit par Filosofia sous le titre « L'année du Dragon » et le second, que l'on nomme aussi « Les Châteaux de Bourgogne », fut vendu avec une règle VF. Ils présentaient l'avantage de ne pas avoir d’éléments à texte dans le matériel (cartes ou tuiles), donc les règles traduites suffisaient. Mais avec Macao, c'est bien différent puisqu'il contient 120 cartes avec du texte.
Ne comprenant pas bien, hélas, Goethe dans sa langue favorite, j'ai eu la chance de mettre la main, presque par hasard, sur un exemplaire Rio Grande Games qui aurait ravi Shakespeare et ce, deux ou trois ans après la sortie du jeu.
Je pense toutefois que Macao a d'emblée été un peu desservi par ses cartes. Certes, on a vu rapidement des traductions arrivées, mais imprimer puis étiqueter est le fait de quelques-uns et pour ma part, je trouve cela un peu pénible. Ensuite, jouant dans un club de joueurs plutôt aguerris, j'ai eu durant des années du mal à l'imposer quand je l'apportais (pour des raisons qui m'échappent) et c'est plus tard, avec des joueurs qui découvraient les jeux feldiens, que je suis parvenu plus régulièrement à l'installer sur une table.
Avec Macao, Stefan Feld entamait chez Alea sa période « Utilisation originale de dés », après une première approche avec Roma édité chez Queen games en 2005. Or certains joueurs se sont peut-être surtout souvenus de Um Rhum und Ehre (Alea n° 10), dans lequel l'auteur s'était bien amusé en proposant moult jets de dés relativement classiques afin de simuler les faits d'armes de pirates venus s'éclater en ville... or ce jeu fut jugé un peu trop hasardeux. Donc il y a eu peut-être une certaine méfiance à l'arrivée de cette boite bleutée avec pour illustration un fier navigateur du XVIIième siècle et son voilier en arrière plan.
Et pourtant, quand on découvre le jeu, on réalise vite que les dés et cette rose des vents donnent un système original, bien pensé, subtil et ludique. Par contre, c'est vraiment dur d'y jouer efficacement, seuls ceux qui auront su le mieux anticiper leurs prochains tours pourront espérer l'emporter. Vous trouviez difficile de programmer vos futures actions dans l'Année du dragon pour tenir compte des événements ? Et bien c'est encore pire dans Macao. Il se peut même que vous perdiez carrément un tour et c'est punitif en plus, car c'est l'une des sources de points négatifs. Les nombreuses cartes donnent également au jeu une richesse intéressante en raison de leur variété et il y a des combos efficaces à trouver.
Bon, la thématique ? Et bien, c'est un Feld. J'ai toujours pas compris ce que représentaient les cubes, dits "pierres d'actions" (?) qui servent à effectuer les actions. Également, il est assez étrange de pouvoir continuer à charger votre navire alors qu'il est déjà en mer… Avec un effort d'imagination, on va dire qu'il représente plusieurs navires qui partent sur les routes commerciales. Par contre, je trouve le jeu relativement agréable à l’œil (pour un Alea s'entend), et une fois les principaux points de règles assimilés, on entre vite dans la partie.
C'est vraiment tendu, croyez-moi ; On souffre tout au long des douze tours. L'interaction est indirecte, mais parfois ça « pique très fort » comme on dit : quand vous verrez vous filer sous le nez une carte, une tuile marchandise ou un emplacement dans un port, vous comprendrez. L'ordre du tour est important et il faut se battre aussi pour jouer en bonne place. Il est important de noter que dans Macao , il n' y a que trois sources principales et quelques cartes pour marquer des points de victoire. Vous pouvez en perdre aussi si vous avez la mauvaise idée accumuler les « Punish marker » (pas besoin de traduire je suppose).
Macao est sorti en 2009 et n'a pas été réédité depuis. C'est dommage, car je pense qu'il pourrait séduire encore bien des feldiens et plus largement ceux qui apprécient la gestion d'actions par les dés, système à la mode depuis un moment. Seulement voilà, encore faudrait-il avoir une boite sous la main et la plus grande faiblesse de Macao aujourd'hui, c'est sa rareté. Mais qui sait, un jour peut-être...