À en juger par le seul matériel, abondant, relativement désincarné, Magnastorm inflige l’impression un peu décourageante de se trouver face à un eurogame pur et dur. Et puis l’on observe les détails, un véritable effort sur les pictogrammes (au point que les cartes encore textuelles font un peu tache), des représentations humaines étonnamment soignées, un plateau central impeccablement lisible et trois autres plateaux plus intrigants qu’effrayants. Et puis on commence à jouer, pour s’apercevoir que cela se met tout de même très vite en place, que cela fait très vite sens, que cela devient très vite terrible… au meilleur sens du terme.
Si, eurogame oblige, Magnastorm est assez long eu égard aux exigences contemporaines, il faut se souvenir que l’on ne réalise guère qu’une action à tour de rôle, toujours très rapide, avec un peu d’analysis-paralysis mais dans un enchaînement fluide ne laissant la place à aucun temps mort. On s’attendrait au moins à être bloqué aux premiers tours par la quantité d’actions à réaliser, et pourtant le fait de ne pas encore avoir beaucoup de crédits oriente naturellement vers certaines contre les autres, de sorte que l’on entre petit à petit dans le jeu et la planète Magnastorm, sans creuser trop vite l’écart entre habitués et néophytes. Ce n’est qu’à partir du moment où les subtilités en sont appréhendées que l’on devine sa tension, qui n’est donc pas si difficile par une complexité des règles que parce que l’on doit sans cesse prendre des décisions douloureuses, consentir à de petits sacrifices, chacune engageant le joueur sur plusieurs niveaux.
Rarement un eurogame, pratiquement dénué de hasard (sauf dans les pioches de crédits dans un sac), aura par ailleurs été si « ludique », et cela on le doit aussi beaucoup à la qualité éditoriale de Magnastorm : déplacer ses membres d’équipage, avancer ses marqueurs, construire des laboratoires tortue, échanger les tableaux du plateau Action, tourner la rouge centrale pour déplacer la zone sur laquelle la tempête s’abat, parvient à procurer un plaisir de manipulation matérielle en plus de l’intérêt mécanique de chacune de ses actions. Étonnant et passionnant.
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