Edité sous la bannière Ystari-Games en 2010, Mousquetaires du Roy fut une petite surprise pour les habitués de l'éditeur qui pour la première fois proposait un jeu semi-coopératif dans lequel les joueurs vont lutter contre un joueur seul qui va tout faire pour leur poser des problèmes et les empêcher d'accomplir leurs missions.
Les deux auteurs du jeu, François Combe et Gilles Lehmann, ont eu la bonne idée de s'inspirer de l'un des plus grands romans d'Alexandre Dumas (et de la littérature française en générale), à savoir "Les trois mousquetaires", livre dans lequel les héros s'unissent pour vaincre une redoutable adversaire soutenue par un personnage puissant mais qui reste prudemment dans l'ombre. Idéal donc pour un semi-coop, enfin (!) dans un autre univers que du Médiéval fantastique ou Héroïc Fantasy. Mousquetaires du Roy nous parle de chevauchés, de complots, de duels, d'action pleine de panache et de quête avec des aventures épiques. Une des grandes qualités de Mousquetaires du Roy est de reprendre les évènements marquants du livre avec quelques écarts obligés mais peu importe, il y a une histoire qui se déroule et on y entre assez facilement.
- " Comment diable ! continua le Roi, à vous quatre, sept gardes de Son Eminence mis hors de combat en deux jours ! C’est trop, messieurs, c’est trop. A ce compte là, Son Eminence sera forcée de renouveler sa compagnie dans deux semaines, et moi de faire appliquer les édits dans toute leur rigueur. Un, par hasard, je ne dis pas ; mais sept en deux jours, je le répète, c’est trop, c’est beaucoup trop." \*
Rapidement et pour vous dire à quel point le jeu colle bien au thème, je vous rappelle en résumant (beaucoup) le début de l'intrigue de ce célèbre roman : Anne d'Autriche, Reine de France et épouse du Roi Louis XIII, a pour amant le Duc de Buckingam (un anglais, pfff! Pas une bonne idée à ce moment là) et en gage de son amour, lui a donné des ferrés que le Roi lui avait offert. Oui, une autre mauvaise idée, surtout que le Cardinal de Richelieu, pas un grand fan de l'épouse royale, a eu vent de la chose et pour perdre Anne d'Autriche, il a suggéré à Louis XIII d'organiser un grand bal durant lequel la Reine devra apparaître avec ses ferrets. Les mousquetaires, informés par une suivante de la Reine, Madame Constance Bonnacieux (à laquelle D'Artagnan n'est pas insensible, ce qui est réciproque d'ailleurs) décident de se rendre en Angleterre pour récupérer les bijoux et revenir en vitesse avant le bal pour sauver l'Honneur de la Reine (et pour d'Artagnan, épater la belle Constance). Mais voilà : Richelieu demande à l'un de ses plus redoutables agents, Milady de Winter, de faire échouer les mousquetaires par tous les moyens. Elle est aidée pour cela par Rochefort, une des plus fines lames du Royaume ; Milady est sans scrupule et déterminée, mais éprouve une crainte particulière pour l'un des mousquetaires.
" Vous n’êtes pas une femme, dit froidement Athos, vous n’appartenez pas à l’espèce humaine, vous êtes un démon échappé de l’enfer et que nous allons y faire rentrer ".
Ambiance... Il faut dire aussi que le dossier Milady est quand même assez chargé. Enfin bref, revenons au jeu.
Chaque joueur dirige donc un des mousquetaires du roman (une petite extension permet de jouer Monsieur de Tréville), sauf celui bien sur qui va faire agir Milady. Cette dernière ne manque pas d'arguments et grâce à des cartes "perfidie", "Intrigue", "Embuche", "Paris", "Louvres" , elle va agir sur différents endroits du plateau pour ralentir nos héros. Milady peut tendre des pièges sur les quêtes, mobiliser des hommes du Cardinal et, aspect appréciable là encore pour l'immersion dans le jeu, les auteurs ont repris les noms des différents adversaires des mousquetaires évoqués dans le livre (Bernajoux, Cavois, Jussac, etc...). A son tour, un Mousquetaire dispose de 3 ou 4 actions selon le nombre de mousquetaires et pourra se déplacer, résoudre des défis, tenter un duel, piocher une carte aventure, s'équiper etc... huit actions possibles au total, elles sont assez classiques d'ailleurs dans les jeux d'aventures avec quêtes à accomplir. Coté Milady, ouvrir des contre-feux partout est fondamental surtout que les mousquetaires peuvent perdre de différentes manières : La Reine déshonorée au Louvre ? Défaite. Le siège de La Rochelle pas assez soutenu ? Défaite. Constance connaissant un sort funeste ? Défaite. Le jeton compte-tour arrivant sur le dernier emplacement alors que la 4ième et dernière quête n'est pas résolue ? Défaite.
" Monsieur, dit le Cardinal, vous avez été arrêté par mes ordres.
– On me l’a dit, Monseigneur.
– Savez-vous pourquoi ?
– Non Monseigneur, car la seule chose pour laquelle je pourrais être arrêté est encore inconnue de Son Éminence ".
Mousquetaire du Roy est un jeu d'aventures qui demande aux joueurs d'établir à chaque tour un plan d'action, avec de la coordination et de l'optimisation des actions. Evidemment, comme dans tout jeu de ce type, il y a une part d'aléatoire, mais quel suspense sur les duels ! Les règles pour ces derniers sont à mon avis les plus complexes, il faut être certain de bien les maitriser avant de lancer une partie.
Milady peut agir de bien des manières (c'est l'une des richesses du jeu), les mousquetaires doivent essayer de comprendre où il est probable qu'elle se rendra (et par exemple lui faire peur avec Athos), mais une Milady habile saura souvent les tromper et s'évertuera à les faire disperser leurs efforts pour mieux les contrer.
" Grâce sans doute à l’efficacité du baume de Bohême, et peut-être aussi grâce à l’absence de tout docteur, d’Artagnan se trouva sur pied dès le soir même, et à peu près guéri le lendemain ".
Non, ceci n'est pas une publicité. Je vais immédiatement rassurer les anxieux, votre mousquetaire ne peux pas être tué. Par contre il dispose de points de santé et il peut être sérieusement blessé. En trouvant refuge à l'auberge du Grand colombier, il devra retrouver ses forces lorsque sa santé sera au plus bas. Le prix à payer est de perdre toutes ses actions sur un précieux tour, laissant ses compagnons trimer seul face aux agents du Cardinal. En dehors de Rochefort, les complices de Milady, une fois vaincus, ne reviennent pas en jeu.
Pour finir, quid de "l'équilibre" du jeu ? Milady est-elle plus favorisée par que les mousquetaires ou l'inverse ? Cela dépendra tout d'abord de qui mènera Milady. Il vaut mieux laisser ce rôle à quelqu'un qui connaît déjà bien le jeu et si tout le monde débute, à la personne qui maitrisera les règles sur le bout des doigts avec une bonne connaissance des cartes. Différents paramètres (bonne entente entre les mousquetaires pour anticiper, se répartir les tâches, s'équiper, se coordonner, difficultés des quêtes, résultats des duels, habileté de Milady à se placer au bon endroit au bon moment, à jouer certaines cartes, etc...) vont faire que les parties ne se ressembleront pas. Dans le livret de règles, vous trouverez quelques bons conseils et des variantes si vous estimez que l'un des camps gagne plus facilement que l'autre... toutefois, je pense que c'est assez équilibré.
" D’Artagnan se battit trois fois avec Rochefort et le blessa trois fois. "Je vous tuerai probablement à la quatrième, lui dit-il en lui tendant la main pour le relever ".
Du panache, de la tension, des beaux moments de solidarité entre mousquetaires et une joie partagée après chaque succès (duels, défis, quêtes) mais c'est aussi très plaisant de jouer la farouche Milady en jouant des coups bien fourbes contre vos camarades de jeu. Mousquetaires du Roy à un charme indéniable, je trouve que c'est un jeu qui à la fois du corps et un esprit et il est pas très complexe au final. Il y a toutefois une petite F.A.Q pour préciser certains points de règles. Vous trouverez également une aide de jeu. Il y a des règles pour y jouer sans qu'un joueur soit obligé de prendre le rôle de Milady... et ainsi on peut même y jouer en solo. A noter enfin les belles illustrations réalisées avec bonheur par Neriac et A. Demaegde et les figurines très correctes et à peindre. Un regret toutefois : plus qu'une extension, j'aurais bien aimé une suite...
" Je défends à mes mousquetaires d'exposer leurs jours sans nécessité, car les braves gens sont biens chers au Roi, et le Roi sait que ses mousquetaires sont les plus braves gens de la terre "
NB : \* Toutes les citations entre guillemets sont évidemment extraites du roman.