My Little Scythe est d’abord une merveille d’édition : entre son incroyable thermoformage signé GameTrayz, ses ravissantes et conséquentes figurines animalières, ses superbes dés, gemmes et pommes, son immense plateau coloré, on est constamment enchanté, et la magie est loin de s’éteindre après l’ouverture de la boîte, puisque chaque manipulation la fait renaître – et j’imagine bien qu’en peignant de surcroît les figurines, elle doit être encore décuplée. L’attrait est ainsi invincible pour les enfants comme pour les adultes, à condition bien sûr d’être sensibles à ce genre d’univers.
Mécaniquement, My Little Scythe tient du tour de force : on pouvait tout redouter de la transformation d’un jeu aussi remarquable que Scythe pour satisfaire les enfants, et il faut bien admettre qu’on en reconnaît étonnamment bien le système, au point que My Little Scythe puisse très naturellement apparaître comme une excellente initiation à Scythe. Les simplifications touchent avant tout la taille du plateau, le nombre d’actions possibles, les possibilités d’amélioration, la quantité de trophées à récolter, afin de proposer une expérience nettement plus accessible et rapide, mais ces éléments ne sont pas pour autant évacués, simplement mis à la portée d’un public plus jeune.
En cela aussi, My Little Scythe a quelque chose d’exemplaire, tant il s’efforce de tenir compte de ce que c’est que de jouer avec des enfants. Il est court tout en laissant le temps de se développer, propose de l’interaction mais la canalise afin d’éviter toute frustration et sentiment d’injustice, et il limite grandement le hasard afin de mettre l’enfant et l’adulte à égalité, à partir du moment où le premier aura su assimiler les règles bien entendu.
Mieux, il propose des intelligences artificielles aisées à gérer qui ne sont pas tant destinées au solo qu’à des parties multijoueurs où les automates attirent l’éventuelle agressivité des joueurs (les combats de tartes, les vols de ressources), afin d’épargner à l’enfant le sentiment d’être attaqué par l’adulte ; tandis qu’une variante va jusqu’à proposer de jouer coopérativement contre ces automates, dans une admirable adaptabilité à ce dont l’enfant peut avoir besoin. Des fiches de réussite viennent même lui apporter en fin de partie un sentiment d’accomplissement avec de nombreux objectifs invitant à la rejouabilité et au surpassement, à côté desquels il pourra inscrire son nom et la date de leur obtention.
Ce Royaume de Pomme où l’on se bat à coup de tartes tout en tentant de préserver son rang d’amitié pourrait ainsi sembler le parfait jeu pour les enfants dès 8 ans, mais peu approprié aux adultes, alors que pour cette cible on peut commencer à espérer des titres plus universels, plus capables de plaire à tous, même dans leur simplicité. C’est que le thème et le matériel sont si enfantins que cette impression peut légitimement contaminer les mécaniques, et leur donner des allures bien plus puériles qu’elles ne le sont vraiment.
En effet, My Little Scythe est assez riche pour constituer un jeu de course léger et rapide mais parfaitement satisfaisant pour des adultes, pas plus simple qu’un Kingdomino par exemple, d’autant qu’à un certain degré de maîtrise du jeu, les tours doivent être si optimisés que la moindre erreur peut coûter la victoire. Il restera trop kawai pour beaucoup, sans que cela autorise le moindre dénigrement d’un jeu absolument incroyable, qui sait ne prendre ni les enfants ni les adultes pour des idiots et qui enchante aussi bien les uns que les autres.
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