Après avoir passé l'épreuve d'une notice TRES allemande (du genre où il faut relire une phrase 10 fois pour comprendre précisément ce que ça peut signifier), on se retrouve devant un superbe principe de vases communiquant qui s'épuisent (on a de moins en moins d'accès à l'eau et d'animaux) qui saupoudre la partie d'une belle narrativité au fur et à mesure qu'arrive la saison sèche, avec une véritable sensation de la lutte pour l'eau. La compensation par reprise des "mises" précédentes dans les trous d'eau est sans doute le mécanisme le plus astucieux, qui rend ces collections d'animaux si jouissives. L'ambiance est cérébrale mais conviviale: les choix qu'on se pose avant de décider quoi jouer sont super variés mais jamais très complexes. Le prix à payer de cette profondeur tactique, c'est un côté arbitraire de ces petites règles d'équilibration. La cohérence thématique générale, je l'ai dit plus haut, est bien au rendez-vous, mais dans le détail il y a un côté très vieillot à appliquer ces petites contraintes numériques (on se croirait presque chez Rudiger Dorn). Par contre, si vous connaissez Zooloretto et ses petites contraintes ennuyeuses sur les mouvements d'animaux à collectionner, sachez qu'on est ici clairement dans une classe ludique supérieure, des mécanismes tirés au cordeau qui respirent l'intelligence et l'équilibre. Kramer démontre ainsi que sa curiosité et son audace sont toujours intactes, véritable Picasso du jeu qui continue à inventer et à se renouveler, et peut-être qu'avec ce côté collection évolutive on sent particulièrement la patte de son confrère Kiesling sur ce coup-là. Par contre, il faut bien reconnaître que comme la plupart de leurs productions récentes, l'esthétique n'est pas très réussie: c'est plutôt luxueux et joli, mais assez sombre et beaucoup trouveront ça ringard à l'heure des gnomes amateurs de selfies souriants.