Je suis tenu, oui, tenu de kiffer ce jeu.
En tout cas son édition injustement collector.
J'aime sa patte graphique, son matos, son thème, son organisation et ses enjeux.
J'ai aussi des trucs à lui reprocher parce que j'ai joué à d'autres jeux qui utilisent tout ou partie des atouts pré-cités, et que je connais "Fallout Shelters", le p'tit jeu vidéo de gestion d'abri anti-atomique qui pourrait très bien avoir inspiré Outlive à son auteur. Et puis comme pour un bon film de genre, on imagine toujours ce qu'on aurait fait beaucoup mieux si on avait été aux manettes.
Sans blagues.
Mais je vais plutôt commencer par énumérer ce que je ne veux pas lui reprocher.
- Je ne lui reproche pas le léger hasard qu'il introduit dès le choix des quatre salles à réparer; parce qu'il est très simple d'adapter le système si on le souhaite, et parce qu'en définitive ça ne déséquilibre absolument pas la suite de la partie: si vous piochez des super salles qui entrent en synergie tant mieux! Mais c'est pas pour ça que vous décrocherez la timbale.
- Je refuse de lui reprocher son hypothétique stratégie gagnante; dominante oui, gagnante non; parce qu'elle est hypothétique, et parce qu'elle peut être battue en brêche de multiple façons (surtout avec l'extension).
- Inutile de dire que je ne lui reproche pas la bizarrerie de certaines recettes de réparation d'objets! Ça n'a aucun intérêt.
- Les marqueurs de chasse sont mal foutus? Un détail inoffensif.
- La jauge de radiation pourrait avoir des effets plus en accord avec le thème et donc moins punitifs? Mais enfin de quoi parle-t-on!?
Non.
Ce que je veux bien reprocher à Outlive, c'est son tempo.
Et ses intervalles à la rigueur.
Enfin je me comprends.
La phase de jour est de l'or en barre: une course aux ressources opportuniste tendue et cérébrale aux contraintes sobres mais parfaitement calibrées; ça joue grave. C'est plaisant et intéressant.
La phase de nuit est faite d'expédients; on expédie des tâches dans l'ordre, on transvase, on optimise un peu, on se fixe des objectifs, enfin on fait ce qu'on peut avec des moyens raréfiés par la pénurie, pressé de retourner sur la carte, là où réside tout le sel du jeu.
Alors oui, on peut être frustré de ne pas avoir plus de choses à faire de ces grandes salles rutilantes aux effets variés, mais toujours centrés sur les actions du jour. C'est le principe retenu, on optimise les performances de la journée pendant la nuit, mais la gestion des salles n'entre dans le décompte des points de victoire que de manière assez marginale, ou en tout cas indirecte. La représentation de l'abri est donc inversement proportionnelle à son impact sur la condition de victoire suprême: accumuler le plus de points de victoire possible en 6 petits tours.
Outlive n'est donc pas, à proprement parlé, un jeu de gestion d'abri.
D'où peut être un malentendu a priori:
En découvrant le matériel, moment de satisfaction matérialiste ô combien précieux, je m'attendais à devoir gérer mes salles comme les bâtiments d'une civilisation, avec ses impondérables ses spécialisations et ses améliorations: le dortoir, les cuisines, le générateur, l'armurerie, le hammam, etc. Mais non, enfin pas exactement, la durée d'une partie aurait été multipliée par deux et la fréquence des interactions divisée d'autant. Le jeu aurait été plus pointu, plus ramifié, mais aussi beaucoup plus lourdingue.
Voilà donc ce qu'est Outlive, un maillage de compromis gouvernés par la contrainte du temps, et donc une proposition rationnelle.
Pour survivre, il paraît qu’il faut être rationnel.