Pendulum se présente donc avec un concept pour le moins original : un jeu de pose d’ouvrier, de constructions de moteur et de gestion de ressources en simultanée dont les actions vont dépendre de trois sabliers, saupoudré d’une course à l’exploit et d’une majorité à chaque manche ! Pas de doute, le jeu ne ressemble chez nous à aucun autre et est même assez déstabilisant ! Il arrive chez Stonemaier et Matagot derrière des sorties très remarquées, dont Wingspan et Tapestry.
Côté matériel, on est sur un standard plutôt haut, avec toujours ces plateaux personnels granuleux (comme les Civilisations de Tapestry), tout comme les livrets de règles. Chaque joueur va aussi avoir ses propres réserves de ressources, une idée qui convient parfaitement au côté simultané du jeu. Les ouvriers ne sont pas très attirants par contre avec le plastique doublé pour les grands ouvriers. Nous aurions aussi aimé des sabliers à la base un peu plus grande ou plus lourde pour éviter les quelques chutes inévitables pendant certaines parties. De même, il arrive (plutôt rarement toutefois) que les sabliers se bloquent, élément un peu gênant vu l’importance de leurs écoulements. Les plateaux personnels auraient aussi mérité d’être à double couche pour empêcher les ressources de valser dans la précipitation. Hormis ces quelques légers retours, le matériel est de belle facture.
Dans Pendulum, nous sommes aux commandes d’un noble souhaitant succéder au Roi Intemporel afin de régner sur le monde de Dünya. Une horloge avec un immense pendule avait été créée lors de la prise de règne du Roi Intemporel, mais s’est arrêtée depuis sa disparition. La légende veut que l’horloge redémarrera lorsqu’un vrai dirigeant lui succédera. On apprécie la volonté de tenté d’apposer un thème derrière le jeu avec notamment des nobles ayant chacun une histoire (dans le livret de règles) justifiant le niveau de leurs différentes pistes de pouvoirs, mais il faut aussi admettre que le thème passe immédiatement au second plan et est oublié très rapidement. C’est une petite déception ici. Le visuel de la couverture et celui des nobles est superbe ainsi que celui du fond des cartes pouvoirs, mais le reste du plateau est un peu trop neutre rendant le thème vraiment absent.
Pendulum présente 2 modes de jeu. Celui où la gestion des sabliers n’est pas faites par les joueurs en “temps réel” mais par une carte et l’autre correspondant plutôt au mode “classique” du jeu. Le mode sans la gestion des sabliers est conseillé pour une première partie ou pour faire découvrir le jeu à de nouveaux joueurs lors des premières manches. Il permet une “programmation” plus aisée car l’on sait exactement quel sablier se retournera ensuite, indiquant ainsi immédiatement quelle ligne se débloquera et quelles actions pourront être faites. Ceux réfractaire à la pression du temps pourront plus facilement apprécier le jeu de cette manière et auront tout de même un jeu bien original de pose d’ouvrier tout en retrouvant une bonne partie du sel du jeu. Maintenant, le jeu dévoile clairement tout son potentiel avec la gestion temps réel des sabliers et c’est vraiment le mode que nous recommandons.
L’élément principal du jeu est la présence du temps comme une “ressource” amené grâce à ces 3 sabliers. Nous pouvions craindre que Pendulum soit un jeu de rapidité, qu’il soit chaotique et frénétique et heureusement, ce n’est pas le cas. Les sabliers sont ici pour définir le flow du jeu et la ligne d’action disponible de chacune des trois zones. L’écoulement du temps ne sert aussi aux joueurs qu’à pouvoir retourner un sablier une fois écoulé vers l’autre ligne de la zone. Cette mécanique est une vraie réussite et est même assez déstabilisante sur les premières parties. Cela imposera d’être vif et observateur pour ne pas oublier un de nos ouvriers libérés par le retournement d’un sablier. Mais aussi de placer intelligemment avant les autres joueurs nos ouvriers, spécialement les ouvriers ordinaires. C’est la grande originalité du jeu et c’est ce qui en fait tout son charme. C’est aussi ce qui va probablement diviser le plus, avec d’un côté ceux qui seront comme moi ravis de vivre en 45/50 minutes de partie, des sensations de jeux intenses et très complète sans attente, et de l’autre, ceux qui aiment prendre leurs temps et qui se retrouveront complétement hors de leur zone de confort (Maman ou Kylian ici) ! Cela rend aussi le jeu assez difficile d’accès, car il faudra bien maitriser le timing des sabliers et l’imbrication des actions pour jouer et apprécier ce mode de jeu. Il est donc difficilement accessible pour les plus jeunes. La boite recommande un 14+ que l’on confirme.
Côté mécanique, en plus de cette gestion des sabliers vraiment excellente qui magnifie la partie pose d’ouvrier assez classique au demeurant, il y a une partie construction de moteur très bien pensée (Engine building) avec les provinces. Sous chaque plateau joueur, 4 drapeaux de couleurs seront présent et pourront accueillir des cartes provinces s’achetant sur le plateau pour 4 cubes Militaires. Ces drapeaux, en fonction de leur couleur et du plateau joueur choisi permettront de gagner des points de victoires, ou des cubes de certaines couleurs. Chaque carte province aura une zone différente permettant d’augmenter la capacité de production de chaque drapeau. Il faudra orienter cette carte et la placer sous le drapeau choisie pour définir le gain lors de l’activation de ce drapeau. On peut renforcer la direction du drapeau en accumulant plus de ressources du même type ou au contraire diversifier la production. Chaque phase du conseil imposera de ne garder que 2 cartes provinces maximum par plateau (hors cartes récompenses permettant d’augmenter ce nombre). C’est une mécanique très présente qui sera clé dans l’avancé de ses pistes de points de victoires et une vraie belle idée de Game Design.
Une autre très bonne idée mécanique est cette piste de privilège. En plus de solutionner les “conflits” pouvant arriver pendant les parties temps réels, elle donnera en fonction du classement déterminé à la majorité de votes à chaque fin de manche, une carte bonus et des points de victoires pour les mieux placés. Ceci ajoutant une course aux votes pendant chaque manche du plus bel effet.
Une autre belle originalité de Pendulum est cette quadruple piste de victoire. Suivant le personnage choisi, chacune démarrera plus ou moins proche de la zone du parchemin. Cette zone où il faudra amener les 4 pistes pour avoir le plus de chance de remporter la partie. La plus importante est toutefois celle de l’Exploit légendaire car une partie ne peut être gagnée sans avoir réussi à avancer cette piste dans la zone parchemin ! Pour remporter l’Exploit légendaire, il faudra être le premier lors d’une manche à réunir les conditions d’obtention pour le piquer sous le nez des autres joueurs et le rendre indisponible pour la manche en cours. Il restera toutefois une dernière possibilité lors de la dernière phase de conseil pour échanger 10 ressources contre si la carte est encore disponible ! Un objectif qui rajoute encore un peu de stress car c’est une condition obligatoire pour espérer gagner ! Ce mélange de mécanique forme en tout cas une belle alchimie.
Il y a 5 plateaux personnels dans Pendulum correspondant chacun à 5 nobles existant en deux versions, soit 10 possibilités de Nobles. Une face basique et une avancée. Chaque face venant aussi avec son propre deck de 4 cartes. Ces 10 configurations proposent une belle asymétrie de départ au niveau des parties. Autant les versions de bases se différencient de manière très sensible (ressources de départ et manière de récupérer un nouvel ouvrier différente), autant les versions avancées changent énormément la manière de jouer, avec un deck et des drapeaux de production bien plus différent ! On peut sans soucis avoir des joueurs en versions basiques et d’autres en versions avancées lors d’une même partie. Certains des nobles avancés sont d’ailleurs particulièrement ardus à jouer.
Pendulum possède une vraie courbe de progression. En enchainant des parties, les réflexes et la compréhension du flow du jeu vont grandir fortement rendant l’expérience très gratifiante mais pouvant aussi vite créer un déséquilibre entre joueurs habitués et ceux l’étant moins. Peut-être plus encore que dans d’autres jeux. L’aspect lié au temps va aussi privilégier les joueurs un peu plus vif d’esprits qui profiterons des meilleurs emplacements au détriment de ceux pesant vraiment chacun de leurs choix pouvant créer un déséquilibre entre ces joueurs.
Les 10 versions de Nobles apportent une vraie rejouabilité tant les versions avancées changent la façon de jouer. Le fonctionnement des cartes récompenses permet aussi de varier les objectifs présents lors des phases de conseil avec 10 cartes retirées du jeu lors de la mise en place de chaque partie. Le jeu tourne parfaitement de 1 à 4 joueurs, notamment grâce à un plateau recto (1 à 3 joueurs) verso (4 à 5 joueurs) adaptant la taille des cases d’actions. A 2 joueurs, une petite adaptation en plaçant 4 ouvriers neutres sur les petites cases des zones violettes et vertes ainsi qu’un jeton à 3 votes pour la piste des privilèges permet de se rapprocher des sensations à 3 joueurs tout en évitant les downtime. Même si dès 4 joueurs, il va falloir bien se serrer et se positionner pour avoir accès à toutes les cases du plateau et aux 3 sabliers. A 5 joueurs, il vaut mieux très bien connaitre le jeu car les places vont couter très cher et la tension sera maximum ! Comme d’habitude chez Stonemaier, les férus du solo seront aux anges avec un Automa complet et plutôt bien pensé.
Pendulum est une expérience vraiment singulière dans le jeu de société avec une forte prise de risque via son côté temps-réel et ses tours en simultané. Chaque partie d’environ 45/50 minutes (peu importe le nombre de joueurs) fera vivre des sensations assez unique pour un jeu de gestion, entre stress intense et pas mal de fun au milieu d’une planification d’actions pas évidentes à coordonner. Ce qui en fait sa force en fera aussi sa faiblesse et il ne sera pas du goût de tous. On regrettera aussi un thème plaqué et un visuel réussi mais un poil trop en retrait. Il a en tout cas le mérite d’avoir tenté quelque chose d’assez innovant et de le réussir fortement pour qui accepte de se laisser embarquer dans cette expérience originale et différente. La mécanique autour des sabliers est une grande réussite et assure à elle seule de belles parties de plaisir et une originalité qui fait du bien à voir, d’autant plus qu’elle est complétée par de belles idées de game design (piste de privilège, engine building et majorité) bien imbriquées les unes avec les autres.
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