Derrière un aspect qui ne paye pas de mine se cache un très bon jeu « intermédiaire » de construction de « moteur », facile à comprendre mais pas simple pour autant à maîtriser car il y a pleins de petites subtilités intéressantes à prendre en compte.
On pourrait reprocher à ce jeu de ne proposer qu’ « un seul » chemin quand beaucoup de jeux en proposent plusieurs… C’est vrai qu’à ce jeu il faut en gros « se faire un moteur à argent que l’on transforme au meilleur moment possible en moteur à points de victoires » et tout cela en ne négligeant pas d’avoir un nombre suffisant de nobles différents qui donnent des PV supplémentaires en fin de parties, PV pouvant être très lucratifs… C’est vrai qu’il n’y a pas 1000 chemins mais par contre la richesse de ce jeu vient pour moi de toutes les petites options à prendre ou non en cours de chemin.
Déjà, « le meilleur moment possible » pour cette bascule vers les PV n’est pas simple à jauger et n’est pas non plus clairement délimité. On se retrouve souvent à faire en même temps un peu des 2, argent et PV, même s’il semble préférable de prioriser l’argent en début de partie. Cependant un avantage précoce en PV par rapport à ses adversaires peut aussi s’avérer payant pour peu qu’on ne soit pas complètement largué financièrement... Ensuite, un tour de jeu complet est constitué de 4 phases et nous sommes, pour chaque tour complet, 1er joueur de l’une de ces phases, puis au tour suivant nous serons 1er joueur de la phase suivante et ainsi de suite… Chaque carte que l’on achète ou que l’on réserve libère une place pour la phase qui suit car une nouvelle carte sera ajoutée au marché pour chaque espace libre. Il y a donc régulièrement des choix douloureux à faire à ce niveau là : par exemple, dans une partie à 2 joueurs (et c’est encore pire en augmentant le nombre de joueurs), si on prend une carte qui nous intéresse, on libère une place pour notre adversaire pour la phase suivante (la phase des nobles par exemple). Mais dans ce cas, si celui ci passe (on peut passer, revenir dans le jeu quand on le souhaite) à son tour (il s’en fiche il aura son noble à la phase suivante...), on devra soit acheter une 2ème carte si l’on veut nous aussi avoir un noble (ils coûtent cher en plus ces aristos...), soit réserver cette 2ème carte…
Et sachant que la gestion de son argent est ultra tendue au rouble près, mieux vaut y réfléchir à 2 fois avant de « claquer trop » au mauvais moment et de laisser par exemple son adversaire se gaver d’artisans 2 phases plus tard… Artisans qui lui donneront un bon et dangereux avantage financier pour le reste de la partie… Sachant aussi qu’il faut gérer sa main de carte réservée au mieux, et plutôt éviter de l’alourdir avec des prévisions d’achats trop lointaines… En effet, on n’a le droit qu’à 3 cartes réservées maximum (oui il est possible que Marc André est joué à Saint Petersburg ^^ …) et chaque carte réservée qui restera dans notre main à la fin du jeu nous donnera 5 PV de malus, aïe …
Sachant aussi que quand on rachète une carte que l’on possède déjà on obtient une réduction sur son prix égale au nombre de cartes identiques que l’on possède, on peut être tenté de racheter les mêmes cartes pour profiter des réductions ou vouloir priver notre adversaire de ces réductions… Sachant que certains nobles sont plus rares et plus puissants que d’autres et que plus on a de nobles différents plus c’est le jackpot de PV en fin de parties, on peut être tenté de ne pas laisser le noble « qui irait bien » à notre adversaire... Mais si on n’a ni les moyens, ni la place pour réserver cette carte, ben tant pis… Sachant aussi que certaines cartes ont des pouvoirs spéciaux qui peuvent donner des petits « coups de pouce » non négligeables… Sachant que les cartes qui n’ont pas été acheté lors d’un premier tour complet passent en « soldes » et coûtent 1 rouble de moins avant de disparaître complètement au tour d’après… Sachant qu’il y a des améliorations possibles de cartes, améliorations en général très intéressantes mais encore faut il avoir une carte à améliorer… Tout cela, ça commence à faire pas mal au niveau des éléments à prendre en compte et des choix cornéliens qui en découlent…
Il y a aussi quelques subtilités au niveau de l’anticipation du nombre de cartes artisans qui seront disponibles à la prochaine « phase artisan »… En effet on gagne principalement de l’argent lors de la 1ère phase (artisan), éventuellement un peu sur la 2ème phase (bâtiment) s’ils ont été améliorés, un peu également sur la 3ème phase (nobles) mais jamais sur la 4ème phase (amélioration)… Et à la fin de cette 4ème phase, toutes les cartes en "soldes" non achetées sont défaussées libérant ainsi autant de places supplémentaires pour de nouvelles cartes artisans disponibles immédiatement à l’achat…Et s'il y avait de nombreuses cartes en "soldes", il y aura d'autant plus d'artisans... Donc si on arrive dans ces moments là avec trop peu d’argent, notre ou nos adversaires se gavent à notre place et prennent une longueur d’avance financière qui peut être difficile (voir impossible) à rattraper… Ceci ramène à un élément important : ce jeu sera d’autant plus appréciable si les joueurs sont de niveaux similaires et peut être par contre vécu comme assez « punitif » si les écarts de niveaux sont conséquents car certaines erreurs peuvent coûter la partie. (après il me semble que c’est le cas de la plupart des jeux consistants…^^)
Certaines cartes sont sinon assez fortes comme la maîtresse de cérémonie ou l’observatoire mais ne garantissent pas non plus la victoire… La chance peut favoriser l’un ou l’autre joueur mais n’est pas du tout prépondérante.
Je trouve ce jeu excellent à 2 joueurs, mais il fonctionne bien également à 3 ou 4.
Sinon son plus gros défaut pour moi sont les illustrations de la nouvelle édition que je trouve particulièrement horribles (alors que celles de l’édition originelle me plaisent par leur côté un peu « naïf » assez particulier)... Heureusement on peut toujours trouver l’ancienne édition sur certains sites spécialisé d’occasion à des tarifs honnêtes…
En bref et malgré son âge « vénérable », Saint Petersburg reste pour moi un excellent jeu d’optimisation et de construction de moteur, tendu à souhait, prenant, avec une courbe d’apprentissage intéressante !