Il est difficile de parler du jeu sans commencer par évoquer le matériel. De grandes tuiles épaisses magnifiquement illustrées. Des illustrations dignes de figurer parmi les cartes d'un Dixit qui mettent en scène des personnages de contes comme la petite fille aux allumettes, le chaperon rouge, le roi singe, Pinocchio etc. qui sont autant de réinterprétation des cartes du tarot. En effet, on y retrouve Le Fou, Le Diable, La tour etc. Et tout cela favorise la mise en place d'une ambiance particulière, à l'image d'un conte, onirique, douce, et parfois inquiétante.
Pour autant, le gameplay se trouve ailleurs. Les tuiles sont numérotées de 0 à 21 et disposent d'une couleur (parmi 4) et c'est là-dessus que repose la mécanique du jeu. Je ne vais pas détailler la règle du jeu, le livre de règle étant disponible sur le site de l'éditeur, néanmoins sachez que le jeu repose sur un principe que l'on peut rapprocher, vaguement, de The Game.
Les joueurs vont constituer une sorte de tableau en posant, tour après tour, une tuile en essayant d'assurer une unité dans les couleurs tout en respectant l'ordre croissant imposé par les nombres. Lorsque toutes les tuiles auront été posées, on calcule le score en fonction, en quelques sorte, de l'homogénéité du tableau constitué. Et c'est finalement ici que tout se joue. En effet, le jeu offre un gameplay minimaliste (je pose, je pioche) mais c'est le système de scoring qui construit la difficulté de la prise de décision. Il faut alors jouer, et rejouer, pour comprendre les subtilités que nous offrent chaque partie, chaque tirage, chaque positionnement.
Si je loue la finesse qui se cache derrière une apparente grande simplicité, il ne faut pas perdre de vue que Shahrazad reste un jeu de "scoring". Il faut aimer faire et refaire "la même chose" pour améliorer son score. Mais je ne crois pas qu'on se procure ce genre de jeu en cherchant la sacro-sainte "rejouabilité", "variété" ou que sais-je en "é". Non pas qu'il soit ennuyeux au bout de 3 parties, ne nous méprenons pas ! Au contraire, il devient de plus en plus passionnant à mesure qu'on le maîtrise.
Le jeu est annoncé de 1 à 2 joueurs. Je ne suis pas un adepte des "jeux solos" mais j'ai trouvé l'unique partie (chaque partie se joue en deux manches) tout seul très intéressante, ça fonctionne, il y a de vrais choix, rien n'est mécanique. A deux c'est un vrai bonheur. On peut moduler la difficulté en fonction de ce qu'on autorise comme communication (sur sa main, sur les futurs placement etc.) mais dans tout les cas il y'a une vrai émulation qui se créé face au challenge proposé. Du moins, c'est comme cela que nous vivons chaque partie.
Beau et bon, Shahrazad est un jeu de tuiles malin qui présente une direction artistique originale (même la boite et son intérieur sont travaillés) et offre des parties agréables, rapides et stimulantes.