Toutes les mécaniques de ce petit jeu (certes un peu cher pour son contenu minimal, avec même un pirate en bois qui ne sert à rien) sont magistralement imbriquées et équilibrées, sans aucune phase lourde ou trop aggressive, ce qui donne rapidement envie d'enchaîner les parties sans la tension parfois agaçante propre aux jeux de cartes à deux: quand on perd à Shangaien, on reconnait l'astuce (et un peu la chance quand même) de l'adversaire, mais on n'a jamais l'impression de s'être fait humilier à coups de tatane dans une impasse ingrate.
Cette bagarre de dés sans trop trop de chance est tellement conviviale qu'on en vient à regretter qu'elle ne se déroule qu'à 2, ce qui empêche de partager ces moments avec d'avantage de joueurs à la fois (je ne vois pas très bien pourquoi on ne pourrait pas placer d'avantage de couleurs de dés, il faut que je pense à le tester à trois).
L'idée de marquer systématiquement les points avec le jeu du perdant est la cerise sur le gâteau: on se retrouve à éviter de marquer le moindre point dans une couleurs où l'on est sûr de perde, mais on est parfois tenter de rentrer dans la baston avec un 3 ou 4 pour espérer gagner les points déjà accumulés par l'adversaire (d'où l'importance ensuite des jokers qui valent 2). Observer les cartes déjà tombées et les points de l'adversaire donne toujours plein d'idées tordues au moment de poser son dé, plutôt que de simplement tenter d'être plus fort dans la couleurs où l'on est déjà fort, propre aux jeux de collection/majorité bêtement agressifs (ici cette attitude peut ne rapporter aucun point, et c'est sans doute là le grand point fort de Shangaïen). Les doubles peuvent laisser sceptique: ils obligent à bêtement jouer le seul nombre obtenu. Pour contrer cette influence de la chance on a fait une règle maison où le joueur qui en fait un PEUT décider de l'utiliser OU BIEN de relancer les dés (ce qui devient au contraire un gros avantage... mmm c'est toujours de la chance en fait). Cela dit, un des en enjeux vers la fin de partie étant de faire gagner à l'adversaire les cartes qu'il ne veut pas, on peut considérer le double comme un facteur intéressant pour faire basculer la donne, donc tout dépend de si vous désirez gagner uniquement sur des vraies bastons (les couleurs dans lesquels les deux joueurs se sont volontairement engagés) ou si vous acceptez de prendre des points par la chance des doubles et autres lancers malchanceux (les enfants, en particulier, n'auront aucun scrupule à utiliser cette opportunité). Une belle courbe d'apprentissage donc pour ce jeu si simple et malin.