"Skull & Roses" est une merveille d'épuration. Nul besoin de micro-rajouts pour cacher les faiblesses d'une mécanique générale. Non. Nous sommes ici face à un truc pur. Oui.
Le problème avec ce genre de jeux, c'est qu'un certain nombre d'habitués aux efforts d'optimisation et de gestion sont laissés sur le bas côté, pensant qu'un vrai jeu, c'est un jeu avec des variables concrètes, des cubes en bois bien identifier sur la table. Mais ils oublient la variable humaine. Pire, ils ne savent pas la gérer, trop habitué à récupérer des ressources et à comptabiliser des points sur un tableau de score... Du coup, ils reprochent la chose au jeu, considérant de fait que c'est une faiblesse, alors que c'est ce qui, pour moi qui aime ça, en fait sa principale qualité.
Pire, déçu qu'un prix comme l'As d'or ne récompense pas un jeu qu'ils aiment, et qu'un jury ose pousser sur le devant un jeu qu'ils ne comprennent pas, ils viennent le fracasser avec de mauvaises notes et un bout de texte qui peu laisser perplexe celui qui a compris le pourquoi du comment, ou simplement prit du plaisir. Car oui, "Skull & Roses" procure du plaisir, un plaisir qui peut-être instantané, immédiat et qui peut s'affiner au fur et à mesure des parties, poussant à engranger les informations comportementales de ses adversaires, ses patterns de jeux. Car oui, il y a de la profondeur dans "Skull & Roses". Elle n'est pas forcément évidente, et ne pas la voir ne fait pas de vous un imbécile. Ne pas aimer le jeu non plus. Mais de grâce, permettez à ceux qui aiment, à ceux qui ont trouvé cette subtilité d'avoir le droit d'aimer sans pour autant être des imbéciles qui n'aiment que les jeux de hasard.
J'ai fait un certain nombre de parties avec l'auteur, et je l'ai vu gagner un nombre impressionnant de fois. Quid du hasard dans ces cas-là ? Hein !?
Je vais tenter de mettre en évidence un point pour essayer d'appuyer mon propos. Il y a, à "Skull & Roses", ce que l'on appelle un point de bascule. Si on ne joue que des têtes de morts, tous les tours, on ne peut pas gagner. Impossible. D'abord parce que pour gagner une manche il faut au moins faire de vraies annonces et donc il faut bien à un moment mettre une "rose". Les victoires par élimination totale sont très très rares. Donc, vous en conviendrez, pour gagner, il faut à un moment mettre des "roses". Le truc, c'est que dans l'esprit du joueur, il y a un moment où il va vouloir gagner, donc mettre des "roses". C'est là que le côté psychologique, l'analyse de l'autre entre en jeu. Il faut, un peu comme au Poker, repérer les "tells", ces petits signes discrets qui laissent apparaitre cette envie de gagner. À quel moment un joueur va avoir envie de gagner. À quel moment il passe du stade "j'essaye d'éliminer des joueurs" à "Il me faut une victoire maintenant pour mettre la pression". Bref, une partie du jeu est là ! Et, étant un énorme pousseur de poins, je peux vous assurer que ça aussi est une vraie mécanique ludique intéressante, le salut n'est pas que dans l'optimisation de ressources et le piochage de carte à combo. Non. Le plaisir ludique est aussi dans la plongée dans le regard de ses partenaires de jeux. Les sentiments, un autre type de ressources à collecter.
A ceux qui persistent à croire que l'on joue au hasard, je rappelle que l'être humain ne peut pas gérer de hasard tout seul. Le hasard consisterait à tirer une tuile sans regarder et la jouer, mais là, on ne joue plus à "Skull & Roses", on massacre le jeu, et ça, on peut le faire à tous les jeux, y compris à "Puerto Rico", moi, si je veux massacrer une partie de "Puerto Rico ou de "Agricola", je saurais comment faire, mais y a-t-il un intérêt ?
Vous l'aurez compris, j'aime "Skull & Roses", parce que j'aime regarder les joueurs à ma table, j'aime parler pour embrouiller, j'aime parler pour recueillir des infos. J'aime "Skull & Roses" parce que je peux y jouer avec ma famille ou des amis de passage pas forcément amateur de jeu. j'aime "Skull & Roses" parce que c'est le travail de 10 ans d'un auteur qui travailler comme un vrai artiste et pas comme un mathématicien. Et ça, ça mérite le respect et la reconnaissance. Oui bordel de Dieu.