J'ai eu l'opportunité de découvrir "TIME Stories" avec ce scénario. Pas de bol pour moi. Comme je m'y attendais : Billy the mountain accouche d'un pet de souris. On s'emmerde ferme, il faut bien le dire !
Ça manque cruellement de punch ludique, de défi intellectuel, de liberté, de densité et de folie narrative, d'immersion, et plus grave : de personnalité. Qu'est-ce que ça raconte ? C'est la vacuité là...
Ce jeu, aux nobles ambitions, se vautre complètement à mon sens. Tout miser sur l'histoire et être aussi banal... il faut le faire ! Les personnages, dans lesquels on entre comme dans un pantalon, ne créent aucune empathie ni aucun emballement ludique ; on aurait rêvé de bifurcations narratives, d'un enchevêtrement d'intrigues, d'un monde plus ouvert, de "PNJ" mémorables, mais... non. Nada.
Comparons avec le grand jeu narratif "Sherlock Holmes détective conseil" (oui je sais, c'est cruel). "TIME Stories" n'apporte selon moi rien d'intéressant à la marge, s'avère en deçà sur l'essentiel, et cumule les erreurs. En voici une liste non exhaustive :
- enfermer l'imaginaire des joueurs par des illustrations, là où SHDC fait confiance au contraire à la capacité de projection du joueur, et donc à la puissance inégalée du texte seul (l'environnement graphique est juste là pour apporter une touche d'ambiance).
- inversement, ne pas faire confiance au pouvoir enchanteur de l'image et aux facultés interprétatives des joueurs en doublant les illustrations de descriptifs souvent très redondants (jouer sur l'écart entre les deux serait intéressant...). On est clairement le cul entre deux chaises. Textes sans grande saveur au demeurant. En accordant toute son attention à l'écrit, SHDC est plus détaillé, plus vivant, plus immersif.
- une intrigue linéaire et simpliste ; pas de fausses pistes, pas d'intrigues secondaires, pas de pièges cognitifs, pas d'astuces de narration pour protéger l'accès à certains « raccourcis ». Trop de passivité, pas assez de « puzzle » ! (je parle de s'orienter dans la narration, pas de mini-énigmes foireuses comme celle qui surgit à la fin de ce scénario !). A côté du stimulant désordre logique et déductif de SHDC, on se demande si le jeu s'adresse à des adultes...
- avoir les "paragraphes" du scénario réparti sur des cartes. Dans l'absolu, pourquoi pas ? C'est le principe d'un jeu déductif comme "Watson & Holmes", où l'on choisit certaines cartes dont on prend connaissance seul. Mais si ça marche dans le jeu espagnol c'est parce que c'est compétitif (chacun garde les infos pour lui afin d'être le premier à reconstituer le puzzle). La dimension coopérative de TS nuit à la tension du jeu ; on lit et on décrit aux autres avec ses mots, sans contrainte, sans réel enjeu. TIME Stories manque d'objectifs personnels pour les joueurs.
Un scénario sur des cartes plutôt que dans un livret a un autre effet négatif : la visualisation de la grosseur du deck tend à circonscrire les choses, les joueurs sachant s'ils sont proches de la fin ou non. On perd en sensation de « monde ouvert » et donc en liberté. Dans les livrets de SHDC, la disposition en paragraphes non chronologiques dans un livret ne permet pas au cerveau de se repérer exactement, et donc de savoir combien de pistes il reste à explorer, ce qui renvoie les joueurs à un choix, et donc à une sensation de liberté : qui veut scorer cherchera à faire les bonnes inférences, prendre des raccourcis et limiter le nombre de piste pour aller le plus vite aux questions. Qui veut découvrir l'histoire dans tous ses méandres explorera moult pistes sans se préoccuper du score. Chacun est maître de son tempo.
- le temps limité, pourquoi pas ? C'est clairement conçu pour ralentir les joueurs, mais cela pourrait être ludique à condition que cela induise une réelle sensation de compte à rebours, obligeant à penser VITE et BIEN. Or TS n'est jamais stressant. Mieux que l'artificiel principe du dé pour consommer du temps dès qu'on se déplace, il eût mieux valu proposer une app avec bande-son et temps limité en temps réel, ce qui aurait réellement mis les joueurs sous tension et aurait donné plus d'enjeu à la bonne communication des infos glanées par les uns et les autres sur leur carte.
- rajouter des bitoniaux en carton pour bien nous rappeler que "hey les gamers, on est en train de jouer à un jeu de société" ne fait que nuire à l'immersion. SHDC n'a pas besoin de ces colifichets pour nous emmener loin dans ses méandres et montre bien que si on veut faire le choix de la narration, le matériel peut être un frein à son efficacité.
- inclure des "épreuves" avec des lancers de dé pseudo jeu-de-rôle-like sans aucun intérêt ludique. Pardon, mais il est où le défi là ? Ce n'est ni immersif ni satisfaisant intellectuellement. Le fail.
Voilà en grande partie pourquoi le problème de TIME Stories est selon moi essentiellement structurel et moins lié au récit spécifique d'un scénario. J'évoque ce que pourrait être une bonne histoire appliquée au jds dans ma critique consacrée à la boîte "de base".