Les jeux à licence ou autres adaptations de jeux vidéos en jeu de plateau me font toujours craindre le pire. Mais, au vu des premiers retours très bons et attiré par la thématique très mature, je me suis laissé tenté, sans en connaître beaucoup plus sur le jeux. A tort ou à raison ?
Présentation en forme de comparaison
Dans This War of mine (TWoM pour les intimes), vous vous occuperez d’un petit groupe d’individus tentant de survivre aux affres d’une guerre civile. Il vous faudra donc, seul ou avec d’autres joueurs, nourrir vos survivants, aménager leur abri, trouver des ressources, des armes, des médicaments afin de contrer le froid, les pillards et bien d’autres mésaventures. Si cette description du jeu peut faire penser à Robinson Crusoé : aventure sur l’île maudite, le côté île déserte en moins, les deux jeux sont réellement différents dans leur mécanique centrale et surtout dans leur narration.
Une mécanique qui s’efface au profit de l’immersion
De prime abord ce qui frappe, ce n’est pas la qualité du matériel, même si les figurines des survivants sont vraiment très agréables à l’œil. Le plateau, plutôt sombre et sobrement illustré sera recouvert de cartes tout le long de la partie. Cartes illustrées de manière assez minimalistes et comportant une quantité assez importante de texte. La pléthore de jetons, plutot de bonne facture et représentants les états de vos personnages (fatigue, faim, santé, blessure, mal-être), la nourriture, les armes, les objets que vous pouvez glaner lors de votre partie, complète la boite au thermoformage assez pratique pour tout classer et ranger.
Non, ce qui frappe réellement, c’est le pavé que constitue le livre de script. En effet, il comporte du texte, à la manière d’un livre dont vous êtes le héros, et sera votre compagnon narratif d’infortune. Durant votre partie, vous serez amené à le consulter pour connaître la destinée plus ou moins tragique de vos personnages lors de vos actions dans le jeu. Ce système bien huilé est le gros plus narratif au jeu par rapport à Robinson Crusoé.
Chaque action raconte plus ou moins une histoire. Chaque tour est divisé en journée. Chaque journée commence le matin en piochant un événement aléatoire jamais très réjouissant. Puis, vient la phase d’aménagement de votre abri, qu’il faudra déblayer pour pouvoir finalement y construire divers objets. Chaque personnage dispose de 3 actions, mais ce nombre d’action pourra être réduit en fonction de l’état de santé, de faim ou de mal-être de vos personnages. Puis, après le crépuscule où il faudra se nourrir, vient la phase de nuit, la plus intéressante et stressante du jeu, dans laquelle il vous arrivera vos meilleures aventures. C’est la phase d’exploration, où vous piocherez des cartes pour savoir ce qu’il vous arrive, lancerez un dé qui vous dira si le bruit que vous faîtes en explorant attire les habitants du lieu qui peuvent se révéler hostile ou pas suivant la carte « habitant » que vous piocherez .
C’est surtout durant ces phases d’exploration que vous sortirez le livre de script. Les cartes renvoient régulièrement à des numéros de chapitre qui vous demanderont de faire des choix directement lié à votre aventure. Ces choix ne sont pas toujours moralement évident, sans jamais tourner dans le trash à outrance. Je ne donnerai pas d’exemples ici mais croyez moi, j’ai du faire des choses dont je ne suis pas fier pour survivre et qui m’ont clairement interpellé. Puis, une fois les ressources récoltées, vous rentrerez en espérant que des pillards, qui arrivent chaque nuit, n’aient pas pillés vos réserves et tué les personnages censés monter la garde. La fin du tour vous fera tirer une carte destin qui influera sur les états de vos personnages en fonction de leurs traits de caractère.
Cette mécanique, essentiellement basée sur le hasard (lancés de dés, tirages de cartes…) passe réellement au second plan pour laisser la part belle à l’aventure et à l’histoire de vos personnages qui se crée au fil de la partie. Une histoire tragique, avec des choix cornéliens mettant votre sens moral à rude épreuve tant le thème du jeu est sombre et réaliste.
Ce hasard se justifie de manière thématique, puisque vous explorez et que vous ne pouvez pas savoir sur quoi ou sur qui vous allez tomber. Cela peut d’ailleurs se révéler frustrant et les meilleures situations peuvent se retourner en peu de temps, vous faisant perdre la partie alors que vous étiez en réussite. Le jeu est difficile et extrêmement punitif. Il faut bien comprendre que l’essentiel tient plus dans l’aventure que vous vivrez plutôt que d’accomplir l’objectif final. A ce titre, il vous faudra d’ailleurs certainement 5 ou 6 heures une fois les règles maîtrisées pour finir une partie complète si vous arrivez à la mener jusqu’au bout. Heureusement, un système de sauvegarde a été implémenté pour couper et reprendre ultérieurement. Et pour les valeureux qui n’en auraient pas assez, la deuxième face du plateau permet de jouer à une version pour joueur expérimenté, avec des conditions de jeu un peu plus difficiles.
Facile d’accès ?
La prise en main du jeu dépendra essentiellement de votre capacité à vous laisser guider par le jeu lui même. En effet, le livret de règle, appelé « Journal », vous permet de rentrer très rapidement dans la partie. Cela implique une contrainte : accepter de se lancer en ne connaissant que peu des règles et se laisser porter par l’histoire. Ce journal est volontairement incomplet, l’essentiel des règles se situant directement sur les nombreuses cartes recouvrant le plateau. Si une question sur un cas un peu plus particulier survient, des renvois au livre de script complètent les points de règles généraux. Vous avancerez donc dans l’inconnu, en ne sachant pas si les actions, les cartes que vous récupérez sont de bonnes ou de mauvaises nouvelles pour vos survivants… ce qui rend les premières parties extrêmement excitantes en terme d’immersion. Si certains points de règles restent obscurs, le bon sens permettra de trancher quelques cas litigieux, sans que cela ne pollue la partie outre mesure.
Un jeu de 1 à 6 joueurs ?
This War of mine est avant tout un jeu solo. Même s’il est donné pour jusqu’à 6 joueurs, les parties à plus de 3 seront sans doute laborieuses tant le jeu est taillé pour l’individuel. Il faut bien comprendre que les joueurs jouent tous les personnages en même temps et, même si un meneur est désigné à chaque nouvelle phase d’action, c’est le groupe de joueurs qui décide pour l’ensemble des survivants. Là où un Robinson Crusoé se bonifie à 4 joueurs, car chaque joueur contrôle ses propres pions en les mettant où bon leur semble, TWoM est plutôt dans une optique contraire. L’effet leader tant décrié dans le jeu coopératif est alors incontestable. Mieux vaut bien choisir son groupe d’amis.
Alors ?
Finalement, This War of mine est un excellent jeu de plateau pour qui recherche un jeu en solitaire ou en couple narrativement riche, à l’ambiance mature et aux choix pas souvent moraux, et qui acceptera de se laisser porter par le jeu plutôt que d’en maîtriser toutes les arcanes. Ajoutons à cela la présence de 2 autres « fiches scénarios » dans la boîte, qui permettent de changer les conditions de début et de fin de partie afin de minimiser le temps de jeu. Cela ajoute à la rejouabilité du titre, pour peu qu’on ne soit pas allergique au hasard ou à la difficulté.