Ce jeu de collecte possède à mes yeux un défaut majeur résidant dans son principe de base du déplacement des héros: au début de chaque tour, vous appliquez une double contrainte (tour et chemin) pour déterminer les actions possibles. Le pivotement des 4 tours autorisant à visiter tel ou tel lieux est bien sympathique, mais son association à un réseau de chemins embrouillé sur une carte confuse et surchargée n'est pas très heureuse, étrangement abstraite pour un tel univers fantasy: on est plus dans de la prise de tête WTF que dans de la grande aventure épique! Et puis de toute façon, la configuration des chemins sur la carte n'est qu'une contrainte molle, puisqu'en payant des sommes modiques on rallonge facilement la longueur des voyages possibles. Pas très convaincant donc! De plus, les actions permises par chacun de ces lieu atteints sont assez proches les unes des autres, avec des personnages à la Shrek nous faisant gagner des jetons d'un type ou d'un autre, et parfois un petit défi du style terrasser le dragon, le sport local. Pour un jeu avec différents lieux à visiter ayant chacun leur règle, on lui préfèrera nettement Istanbul, et dans le genre déplacement/collecte Clank! lui fera facilement de l'ombre. Pour terminer avec les points "bof", tous les joueurs manipulent le même pion commun, principe qui marche très bien par exemple dans Marrakech, mais dont ne comprend pas vraiment ici l'intérêt -pourquoi pas un pion par joueur?
C'est donc un jeu un peu moyen, mais loin d'être mauvais pour autant. Il est notamment appréciable à deux joueurs (contrairement à Istanbul), configuration où l'on pourra d'avantage planifier ses actions. Niveau matériel, il est vraiment impressionnant et bien réalisé, en particulier les 4 tours d'action. Les dessins de Klemenz Frantz pourraient sembler de mauvais goût, mais c'est sympa de le voir se lâcher un peu dans un univers à la Willow/Shrek de fantasy semi-parodique.
Et puis Touria possède quand même quelque chose de vraiment brillant: un mécanisme de fin de partie très malin et inhabituel: une fois les conditions remplies, on retourne les tuiles du château en espérant trouver celle de la victoire, chaque mauvais choix obligeant à dépenser des ressources pour continuer à retourner ces tuiles. Contrairement à la plupart des jeux, il est donc conseillé de garder des ressources pour la fin de partie, même si on n'est pas sûr d'en avoir besoin! Sans avoir pris cette précaution, le joueur en tête sera obligé d'être chanceux, sinon il facilitera la tâche aux suiveurs qui auront moins de tuiles à retourner. Assez original et diabolique, ce retard aléatoire imposé aux gagnants introduit un timing incertain et audacieux en fin de partie, qui va sans doute relancer l'ambiance sur le finish et plaire aux enfants, qui auront ainsi l'occasion de défier les joueurs plus expérimentés -c'est fou ce que les kids aiment la chance, qu'ils interprètent comme une grande qualité plutôt que ce maudit "chaos" dénigré par les vieux gamers nerds. On aurait aimé retrouver une même audace en amont, dans la répartition des différents pouvoirs des lieux, un poil ronronnante et "samey". Conlusion: je dirais que ce jeu manque un peu de boulot, il y a de l'idée mais il aurait fallu bosser un peu d'avantage pour donner aux lieux des pouvoirs plus "spicy" (qu'est-ce que j'ai soudain avec des expressions anglaises? Il faut que j'arrête que regarder les reviews de nos amis québécois).