Ah les jeux de cartes ! Qu'est-ce que j'ai pu pester contre ces machins et le point de départ fut la grande époque de Magic : Tout le monde y jouait, sauf moi... Et puis après, durant des années, j'ai évité soigneusement tous les jeux de cartes à succès qui envahissaient les tables, Citadelles mis à part. Race for the Galaxy ? Ah non, Un cauchemar, je comprenais rien aux icônes et au tour de jeu ! Dominion ? Oh lala ! Un ennui mortel et j'ai failli me faire un tennis elbow après trois parties enchaînées sans que je sache quoi faire. San Juan ? Soyons un peu sérieux, faisons plutôt un Puerto Rico. Thunderstone ? Heu... j'peux sortir là, je me sens un peu nauséeux en fait...
Pendant des années, j'ai cru que j'étais un inadapté ludique, un cas social des tables de jeu, un exclu définitif de la "combo cartesque". Pourtant, concernant les jeux type card-driven, j'ai jamais eu de problème, seulement dans Hannibal, Successors ou Twilight Struggle, il y a des pions qu'on déplace sur un plateau, il y a des points repères, on joue les cartes d'une autre manière... enfin c'est pas pareil quoi. Et puis, sont arrivés deux jeux à base de cartes qui vont changer ma vie de joueur du jeudi soir, du week-end, des vacances aux longues nuits ludiques... : l'un consacré à la reconstruction de Londres après le grand incendie de 1666 et l'autre à la ville de Tournay.
Extrêmement méfiant en m'installant à l'une des deux tables de 4 joueurs, chacune consacrées à Tournay (qui venait juste de sortir en boutique) ce soir là, j'étais néanmoins rassuré en reconnaissant le style graphique de Troyes (que j'apprécie beaucoup) mais aussi par les explications des règles.
"-Pas de panique... tu verras, tu auras que quelques cartes à gérer".
"-Tu es certain de ça ? Parce que tu le sais, je peux faire un malaise hein...
A mon tour de jeu, une petite goutte de sueur perlant à mon front, je couche un meeple jaune pour aller chercher une carte de niveau 1 de la même couleur, et... soudain, j'ai vu la lumière. En fait, tout m'a paru simple, presque familier. Simple mais varié et profond. Car Tournay, c'est un sacré bon jeu, bien servi par une mécanique efficace. Les cartes demandent un peu d'attention pour bien les comprendre, mais c'est encore plus simple si on a déjà joué à Troyes. Les options sont limpides mais nombreuses et puis les conditions de fins de parties entraînent bien des subtilités.
"Ok, belle victoire de Jérôme... bon, on remet ça ?
"Pardon ? Tu peux répéter ?".
Guéri ! J'étais guéri... bon, pas au point de tenter un RFTG dans la foulée, faut pas exagérer quand même... mais tout me plaît dans Tournay : la façon d'aller chercher les cartes, de construire son quartier, puis d'exploiter personnages et/ou bâtiments, l'idée du crieur public, la possibilité d'utiliser meeples et cartes des autres joueurs, les conditions de fin de partie, le scoring... rien à jeter, une petite merveille. De là à dire qu'il serait peut-être bien mon "pur-jeu" de cartes préféré, et bien... ce serait pas faux. En tout cas, je crois que c'est un peu grâce à Tournay (et le London du Maestro de Manchester) que j'aime autant pratiquer aujourd'hui des jeux comme Terraforming Mars, Evolution ou Wingspan.
Voilà. Notez que je suis parvenu à écrire tout ça sans reprendre un seul des nombreux jeux de mots entendus sur Tournay... et bien je ne vais pas craquer si près de la fin. Tournay, c'est vraiment bien. Je le ressors plus ou moins régulièrement mais souvent avec succès. Le jeu propose de lui même des cartes alternatives pour renouveler vos parties mais de toute façon, elles se ressemblent rarement. Tournay ? Aller hop ! Direct dans ma ludothèque idéale (imaginaire)...