*Ur*, ça ressemble à *Tigre & Euphrat*, ça sent comme *Tigre & Euphrat*, et si on lui croquait les tuiles, on se rendrait compte qu'elles ont le même goût que celles de *Tigre & Euphrat*. En même temps, avec un jeu de développement sur la Mésopotamie à base de tuiles de couleur, où il faut s’efforcer de bâtir une civilisation équilibrée, pas besoin d’un doctorat en génétique pour certifier la parenté. Toutefois la filiation s’arrête à peu près là ; car *Ur* jouit de nombreuses originalités, qui lui donnent une identité très forte, et en font un jeu tout à fait passionnant :
- Une utilisation extrêmement novatrice et totalement révolutionnaire du plateau de jeu, qui évolue en fonction des actions choisies par les joueurs, et inversement proportionnel.
- Un système janusien d’actions double face en nombre limité, qui ouvre de belles perspectives de combos.
- Une interaction permanente qui porte sur le choix et le blocage des actions, la conquête de l’espace (terrestre !), le timing de la construction des ziggourats, la résolution des conflits…
- Un décompte de points astucieux, à faire pâlir Knizia de jalousie, qui oblige à un développement harmonieux
- Une dimension stratégique extrême, sans aucune once de hasard, pour un format vraiment mini, mais qui fait le maximum.
*Ur* est donc pour moi un jeu intelligent, d'une grande originalité, dynamique et plein de subtilités. Il est en outre servi par un matériel agréable. Sa mécanique à la limite de l'abstraction et ses règles tarabiscotées comme une krisprolls le réservent néanmoins à un public averti, et motivé par la perspective d'un bon grillage de neurones. D'ailleurs l'aide de jeu, aussi absconse qu'une traduction google de la Critique de la Raison Pure, ne vous sera pas d'un grand secours pour la première partie. Mais vu l'enthousiasme que ce jeu suscite généralement, il est en tout cas étonnant qu'il ne bénéficie pas d'une plus grande notoriété.