Au palmarès des boîtes moches avec un bon jeu dedans, Wiraqocha rejoint directement le top 5 aux côtés de "Ambition", "Café International", "Olympia 2000" ou encore "Ikonikus" ! Je ne m'explique guère ce choix d'illustration qui ne reflète d'ailleurs pas vraiment ce qui attend le joueur, à savoir un jeu de placement/gestion de ressources un brin putassier... Cette image était peut-être destinée à duper les ameritrasheurs, mais même dans cette optique, j'ai du mal à y croire...
L'univers dans lequel se déroule Wiraqocha me convient particulièrement puisqu'il s'agit du steampunk. Pour ceux qui auraient fait l'impasse sur leurs cours de geekisme approfondi, le steampunk est une forme de dystopie partant du principe que le monde aurait évolué différemment depuis la révolution industrielle pour la simple et bonne raison qu'il n'utiliserait pas un élément essentiel de nos sociétés contemporaines : le pétrole. Exit donc les moteurs à explosion, plastiques etc... dans un univers steampunk on se débrouille avec de la vapeur, du métal, des engrenages, du verre, du charbon... et, dans le cas précis de Wiraqocha : du somnium, mystérieux minerai source d'énergie et convoité par la reine Victoria herself !
Malheureusement, le steampunk ne sert ici qu'à habiller joliment une mécanique qui aurait convenu à n'importe quel autre thème mêlant exploration, colonisation et innovation... On aurait pu tirer parti de ce filon si particulier pour aller plus loin en construisant des rails pour acheminer le minerai, en évoluant au sein d'un véritable arbre des technologies plutôt que de simplement acheter des cartes innovation etc...
Toujours est-il que les rouages de ce jeu sont assez originaux : bien sûr les allergiques au dé vont râler puisque tout dépend des lancers : tout le tour est conditionné par un seul jet de dés (déplacement, conquêtes, défense ...), chaque dé (ou série de dés) étant attribué à une action... il faut donc savoir faire avec peu ! Il est important de nuancer quand même cet aspect hasardeux puisque les résultats peuvent être modifiés soit en payant des ressources, soit en relançant un dé (pouvoir des tuiles occupées par les unités), soit en utilisant une innovation acquise auparavant. Enfin la multitude d'actions possibles à chaque tour offre une dimension relativement stratégique à l'ensemble. De même, les trois objectifs de victoire réalisables permettent une grande liberté d'appréhension du jeu : course aux artefacts (rapide mais nécessitant une excellente défense car sujet aux subtilisation de vos adversaires), course au somnium (moins rapide mais plus tranquille) et fabrication du Leviathan (assez long mais valorisé par les achats d'innovations véritablement terribles à l'encontre des adversaires !).
A noter que, si les innovations sont assez bien pensées dans l'ensemble (mention spéciale au jouissif Death Ray qui détruit tout sur son passage une seule fois par partie !); le Tunnel me semble quand même bien trop cheaté ! Rien ne peut l'arrêter et il pille sans concession un joueur à chaque tour, peu importe sa défense, même le champ de force et la forteresse volante n'y peuvent rien ! Bien sûr on peut le voler à son tour mais il n'empêche !...
Wiraqocha est donc un jeu aux mécanismes assez originaux, avec assez d'interaction pour que ça peste régulièrement tout autour de la table et des choix compliqués sans être complexes (mais qui peuvent faire traîner en longueur les joueurs les plus lents...). Dommage que le thème ne soit pas mieux exploité et que la course à l'innovation déséquilibre le tout sur la durée; il n'en reste pas moins un bon jeu qui mérite l'attention de tout boardgamer qui se respecte... et ce, malgré sa boîte moche !